Published On: ven, Mai 14th, 2021

Échanges autour de mon article sur les vestiges de l’architecture européenne en Doukkala

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par Mustapha Jmahri

Mon article dans le magazine Zamane (avril 2021) intitulé : « Les trésors de l’architecture européenne en Doukkala » a suscité quelques réactions et échanges intéressants de la part de différents lecteurs. En effet, l’article retrace l’état de six bâtiments anciennement construits par des agriculteurs-colons dans la région des Doukkala. À travers, cet article documenté avec photos à l’appui, j’ai lancé un appel aux doctorants en architecture pour qu’ils s’intéressent à ces modèles architecturaux dans leurs travaux car il conviendrait de sauvegarder ces vestiges qui portent en eux une part de notre patrimoine culturel.

La première réaction fut de l’anthropologue marocain Abdellah Hammoudi qui, de Princeton, m’a envoyé un long courriel où il m’écrit : « Votre travail témoigne d’une prise de conscience assez rare chez nous… Les photos sont belles et intéressantes. En regardant vos photos de maisons de fermes coloniales, je pense au quartier français d’El-Kelaa, très vert autrefois avec ses architectures des années vingt à cinquante du siècle dernier. La même indifférence au patrimoine cause le même abandon partout : patrimoine hérité de nos ancêtres aussi bien que celui que nous a légué la colonisation ».

Quant au professeur Badre El Himdy, enseignant à l’Institut agronomique et vétérinaire Hassan II à Rabat, il témoigne : « Un grand bravo pour votre passion à retracer l’histoire des Doukkala au contact des colons et des constructions qu’ils ont laissées derrière eux. J’ai lu votre article sur Zamane avec intérêt, et trouve très intéressant l’appel que vous y faites. Pour ma part, dans mes enseignements à l’IAV j’aborde les bâtiments de production, notamment animale. J’ai visité plusieurs fermes coloniales dans le Gharb, le Saiss, Benslimane, autour de Mohammedia et Casablanca où je trouvais des constructions fabuleuses pour certaines encore en usage partiel, d’autres ont été totalement détournées de leur fonction originelle. Je promettais toujours de lancer un travail de restitution et de mémoire sur ces édifices, chose que je n’ai pas pu encore aborder. Comme vous le savez certainement, on est limité par les moyens, et ce type de recherche n’intéresse que de très rares passionnés ».

Danielle Letorey, architecte retraitée, ancienne de Mazagan, écrit notamment : « C’est vraiment une bonne chose que ces ambiances neutres pour apprécier un passé riche de constructions réussies, esthétiques et d’influences variées. Mais on n’en fait jamais assez pour la culture et la conservation de nos traces humaines ».

Pour sa part, l’ethnobotaniste Jamal Bellakhdar m’écrit : « Votre engagement en faveur de votre ville natale est louable. Je vous souhaite bonne chance pour trouver la personne qui convient. Je pense que l’université d’El Jadida devrait pouvoir proposer le sujet à l’un de ses doctorants ».

Latif Ladid, chercheur à l’université de Luxembourg réagit : « Mon père était instituteur, dans les années 60, non loin de Zemamra. Plusieurs colons y avaient de grandes fermes où ils faisaient travailler beaucoup de monde et produisaient pour l’exportation. Votre point de vue sur le délaissement des maisons des anciens colons marque peut-être une mauvaise gestion de la part des propriétaires et c’est surement dû à une transition mal gérée ».

Sur un autre ton, très amer cette fois-ci, j’ai reçu le message d’une française née dans une ferme sur la route de l’Oulja. Nicole Pillet m’écrit : « La maison de mes grands-parents sur la route de Oualidia n’existe plus. Ma dernière visite date de 2017. La maison de mes parents qui se trouve juste à côté est dépouillée des volets et fenêtres et dans un état pitoyable avec une végétation qui empêche de rentrer. Quel dommage ! Pourriez-vous me dire Mustapha pourquoi les Marocains n’ont-ils pas profité de ces maisons et des terres environnantes. J’aimerais comprendre. Les quelques fois où je suis retournée au bled, c’est un crève-cœur. Toute mon enfance et mon adolescence ressurgit, quant à mon père, il ne s’est jamais fait au rapatriement en France en 1974 ».

Merci à tous ceux qui ont pris la peine pour lire mon article et me faire part de leurs impressions et commentaires afin d’enrichir la réflexion sur un patrimoine commun.

jmahrim@yahoo.fr

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