Un métier en voie de disparition : Les porteurs d’eau
Un des symboles du paysage marocain, le «guerrab» voit son métier décliner de jour en jour et sa réputation mise à rude épreuve.
Jadis incontournable sur les axes principaux des villes avec son costume rouge, son énorme chapeau multicolore et une cloche à la main, aujourd’hui ces porteurs d’eau ou «guerrabas» typiquement marocains disparaissent de plus en plus du paysage et on les rencontre plus dans les autobus en train de mendier que sur les boulevards en train de proposer de l’eau fraîche aux passants. Et pour cause, l’évolution de la société et surtout l’apparition des bouteilles d’eau en plastique, ont beaucoup affecté le bonhomme au costume rouge et au chapeau multicolore qui représente une sorte de patrimoine culturel traditionnel de notre pays. «Le “guerrab” (porteur d’eau) fait partie de mes plus beaux souvenirs d’enfance. Quand j’étais petite et que je sortais avec mes parents, on s’arrêtait tout le temps devant un “guerrab” pour boire de l’eau fraîche dans ses coupes en cuivre. Cette eau avait un goût particulier et était très bonne», raconte Loubna avec nostalgie. Et de poursuivre : «malheureusement, de nos jours, ce métier tend à disparaître. Les gens n’osent plus boire dans des coupes ayant servi à plusieurs personnes avant eux. C’est sûrement à cause de cela qu’aujourd’hui on voit le “guerrab” mendier dans la rue».
En effet, plusieurs personnes habillées en porteurs d’eau font la manche dans les rues, les autobus et même dans les cimetières, profitant de la sympathie des citoyens conscients du déclin que connait le métier. «C’est vraiment triste de voir le malheureux sort qui a été réservé aux “guerrabas”. Après tout, c’est un métier traditionnel spécifique à notre pays. De les voir mendier, demander l’aumône dans les bus me touche beaucoup», affirme Halima. Une situation qui révolte les principaux intéressés. «Ces gens sont des imposteurs qui salissent notre image. “Guerrab” est un métier noble et nous ne sommes pas des mendiants», fustige Abdeladim, 30 ans de métier. Et d’ajouter : «nous les avons dénoncés dans les médias et auprès des autorités, mais rien n’y fait. Ils continuent à se faire passer pour des “guerrabas” et demander l’aumône aux gens. Cette situation nous révolte, mais nous ne savons pas quoi faire pour y mettre un terme». Même son de cloche chez Said, qui précise que la seule charité que les «guerrabas» ont toujours accepté de percevoir, sont les dons que les Marocains voulaient bien leur réserver à l’occasion des fêtes religieuses. Une habitude qui fait également partie de leur glorieux passé. «Cela fait 25 ans que j’exerce ce métier et jamais notre situation n’a été aussi désastreuse.
Rares sont les gens qui viennent demander de l’eau et sont aussi rares les personnes qui pensent à nous donner la “sadaqa” pendant les fêtes religieuses. Mais nous ne mendions pas pour autant et nous tentons de garder la tête haute», souligne-t-il. Et de préciser : «ces personnes qui se font passer pour des porteurs d’eau et font la manche ne sont pas de vrais “guerrabas” et ne sont même pas dans le besoin. Nous nous sommes renseignés et nous avons su que ce sont des personnes qui possèdent des terres
agricoles en dehors de la ville, et malgré cela ils viennent mendier et salir notre image». Pour faire face à leur destin, les «guerrabas» vivent principalement du tourisme.
Ne pouvant passer inaperçus, les porteurs d’eau attirent, en effet, les touristes étonnés par leur habit coloré. «Heureusement que le ministère du Tourisme nous délivre une carte annuellement qui nous permet d’approcher les touristes sans risquer de nous faire chasser. Sachant qu’on nous a interdit l’accès à plusieurs autres endroits comme les stades de football et les cérémonies officielles», indique Abdeladim. Pourtant, le métier de «guerrab» a permis à Said de subvenir aux besoins de sa famille un quart de siècle. «J’ai élevé mes sept enfants et les ai mariés grâce à ce métier. Cependant les temps ont changé et cela s’est malheureusement retourné contre nous. Avant, il m’arrivait de gagner jusqu’à 80 DH par jour, aujourd’hui c’est loin d’être le cas, il peut m’arriver de passer toute une journée sans rien gagner», confie-t-il.
Enfin, il est à noter que l’origine de l’habit traditionnel du «guerrab» est un réel mystère pour les Marocains et les «guerrabas» eux-mêmes.
Personne en effet n’a jamais su d’où vient l’idée de cet étrange habit. «Honnêtement, je n’ai aucune idée de l’origine de cet habit. J’ai commencé dans ce métier en 1969 et déjà personne à l’époque ne savait pourquoi le “guerrab” s’habille de la sorte», révèle Abdeladim.
Un métier très apprécié
Le métier de porteur d’eau ambulant, alias le «guerrab», est un métier très ancien et très apprécié par les Marocains et même les touristes. Il a toujours été très sollicité et très respecté par les gens auprès desquels il a réussi à acquérir une bonne réputation. Avec un grand sourire sur le visage et une gentillesse infinie, le «guerrab» rafraîchissait et désaltérait la soif des passants qui, en contrepartie, lui remettaient une pièce de monnaie. Leurs lieux de prédilection étaient généralement les marchés et les souks hebdomadaires. Ils sillonnaient tous les coins et recoins du souk et rendaient un vrai service aux gens et surtout aux commerçants qui vendaient leurs marchandises dans le souk, notamment en été, lorsque la chaleur est insupportable.
Le Matin
J’aime beaucoup l’article concernant le métier de porteur d’eau.
Le 1er d’entre eux que nous ayons rencontré travaillait avec un collègue sur la place « Jamaa elFana » à Marrakech.
C’est, en effet, très étonnant.
Merci, bon article, belle photo.