Par Mustapha JMAHRI

Cette photo qui m’a été envoyée de France, par la mazaganaise Claude Monin, est celle de mon professeure de mathématiques au collège Chouaïb Doukkali en 1967-68 : Mme Josette Simon. Notre professeure résidait au 7 rue Guynemer, au Plateau, et venait au travail sur son vélo-Solex. Son cyclomoteur l’a accompagnée pendant toute sa vie professionnelle au Maroc de 1958 à 1972. Femme élégante, charismatique et compétente, elle forçait le respect. A l’époque, les élèves avaient parfois un âge qui ne correspondait pas avec la classe où ils étudiaient, mais ce n’était pas incompatible avec la poursuite des études. Malgré l’âge des uns et des autres, le calme dans la classe était absolu tant Mme Simon, sans le faire savoir, ne lésinait pas sur l’ordre. Mais elle avait une autre particularité qui la faisait plus proche de ses élèves Marocains : elle prononçait la lettre R de la même façon que nous. Personnellement, dans toute ma scolarité, j’étais plutôt à l’aise avec l’arabe chez le professeur Abderrahman Aboulfath, le français chez Madeleine Rivière, les sciences naturelles chez M. Mottard et l’histoire-géographie chez Paul Lagache. Par contre, les mathématiques me repoussaient sans que je sache pourquoi. C’était une matière qui est restée pour moi un mystère. Malgré toute ma bonne volonté, mes notes en maths oscillaient constamment entre 8 et 10 au maximum sur 20.

Pourtant, la leçon de mathématiques chez Mme Simon était claire comme de l’eau de roche. Elle nous expliquait sur le tableau, craie en main, cette matière ardue pour certains comme moi mais qui paraissait tout aussi simple pour d’autres. En plus, Mme Simon avait une voix qui portait bien et que toute la classe entendait.

En classe de troisième marquant la fin du premier cycle, on devait quitter le collège pour passer au lycée ibn Khaldoun. Dans notre classe d’une quarantaine d’élèves, seule une douzaine a pu passer au lycée. A la fin de l’année scolaire, comme j’avais obtenu une bonne note dans les tests, j’hésitais entre lettres modernes et techniques commerciales à Casablanca. Je ne sais pas pourquoi j’ai pensé au commerce, mais Mme Simon m’en a dissuadé car cette dernière discipline exigeait un certain savoir en chiffres et m’a conseillé de suivre tout naturellement un itinéraire littéraire.

Depuis lors, je n’ai jamais eu l’occasion de rencontrer Mme Simon qui est retournée en France en 1972. Mais j’ai revu son fils Jean-Paul et sa compagne, Claude Monin, lors d’une visite à El Jadida en 2010. Il m’avait fourni le numéro de téléphone de sa mère et je lui ai donc parlé longuement. Elle était surprise par mon appel venant d’un ancien élève qui avait grandi et qui avait eu des enfants et qui se rappelait toujours de son professeur. 

Au cours de notre entretien, Mme Simon a voulu savoir le genre d’études que j’ai faites à l’université. Quand j’ai répondu : « Des études de journalisme », elle m’a rétorqué : « Alors, petit Mustapha, mes maths ne t’ont servi à rien ». Et nous avons éclaté de rires.

Inoubliable Mme Simon qui reste dans les meilleurs souvenirs de plusieurs générations de la jeunesse jdidie. Encore merci, Madame.

jmahrim@yahoo.fr