Jamel Debbouze, humoriste marocain et initiateur du Festival Marrakech du rire
«L’humour est pour moi une façon d’être, une philosophie»
●Actuellement, jusqu’au 10 juin, la ville ocre vit aux rythmes du Festival Marrakech du rire. Dans le cadre de cet événement, Jamel Debbouze présentera son spectacle «Tout sur Jamel», dans le somptueux cadre du Palais Badii.
● Drôle, affable et engagée, la star du rire nous parle de la place de l’humour dans sa vie.
Le Matin : C’est peut-être un peu tôt, mais pouvez-vous nous faire un premier bilan de l’édition précédente ?
Jamel Debbouze : Au contraire ! C’est le meilleur moment de faire un bilan. Je peux affirmer, d’emblée, que c’était extraordinaire, hamdou lah. Formidable. La preuve, c’est qu’on recommence cette année. D’une manière générale, la première édition s’est très bien passée.
Est-ce à dire que vous avez atteint les objectifs que vous vous êtes fixés ?
L’année dernière, j’ai eu la chance d’avoir à mes côtés Gad El Maleh, Omar Sy… C’était quelque chose d’exceptionnel. Réitérer l’expérience avec eux, et avec d’autres, avoir des gens qui répondent présents aussi rapidement et aussi chaleureusement, c’est quand même important. Quand les artistes suivent, ça sent bon.
Ils suivent justement grâce à votre aura et à votre réputation ?
Oui, mais pas seulement. Être à Marrakech est un vrai plaisir en soi. D’un autre côté, se retrouver avec cette brochette d’artistes est également très motivant pour ceux qui débutent. Quand Malik Bentalha se retrouve sur la même scène que Gad El Maleh, c’est profitable pour tout le monde, aussi bien pour Gad qui retrouve la nouvelle génération, que pour Malik qui s’entoure d’artistes confirmés. Tout le monde y gagne.
Vous êtes très présent sur la ville de Marrakech, à l’occasion de différents événements. Est-ce que vous avez un rapport particulier avec cette ville ?
Disons plutôt que j’ai une relation particulière avec le Maroc, d’une manière générale. J’ai fait beaucoup de choses à Casablanca, à Tanger aussi. Mais comme j’ai une maison à Marrakech, c’est plus simple pour moi de donner rendez-vous ici.
Qu’est ce que vous promettez au public marocain pour cette édition ?
Je promets des rires et des larmes.
Comment voyez-vous l’humour au Maroc ?
Je vois qu’il évolue de manière formidable. Avant-hier, j’étais à la «halqa» organisée par Hassan El Fad. J’y ai découvert des humoristes que je ne connaissais absolument pas. Depuis Abderraouf, il s’est passé énormément de choses dans l’univers comique marocain grâce à la nouvelle génération d’humoristes que ce soit Hanane Fadili, Hassan El Fad ou même Abdelkader Secteur qui est Marocain de cœur. Je trouve que tous ces artistes ont permis l’évolution de l’humour au Maroc. L’esprit marocain est toujours là. La musicalité est toujours présente. Il faut dire que l’humour marocain est vraiment particulier. Il ne ressemble à aucun autre de par le monde. À juger par ce que j’ai vu, il a de beaux jours devant lui.
De quelle manière l’humour marocain influence-t-il vos sketchs ?
L’humour marocain est présent dans mon salon en permanence. Ma mère est à mourir de rire, mon père est en parfait décalage avec ce que je vis et avec la France. Ma mère ne parle toujours pas bien le français alors que cela fait plus de 25 ans qu’elle vit en France. Quand on rentre chez moi, on parle arabe. On est marocain. On ne devient Français qu’une fois le seuil de la porte franchi. Le Maroc a une place de choix en France et je suis en contact permanent avec ce qui se passe chez nous.
Dans ce cas, quelle est la part de l’autobiographie dans vos sketchs ?
Tout est autobiographique, sans exception. Ma vie est ma source d’inspiration principale. Je n’ai pas dû chercher très loin, en tout cas pas plus loin que mon salon. J’ai l’impression que ça parle à plein de gens. Dans mon dernier spectacle, je parle essentiellement de mon fils et de ce qui m’est arrivé ces dernières années.
Vous êtes un humoriste né. On a l’impression que vous n’avez pas besoin de beaucoup d’efforts pour faire rire. Comment travaillez-vous vos sketchs ?
Derrière, il y a beaucoup de travail. L’improvisation est un outil qui nous aide à être plus à l’aise, mais il n’y a rien sans travail. Sinon vous vous ennuierez.
Qu’est-ce-qui vous inspire dans la vie, qu’est ce qui fait que vous êtes aussi drôle ?
Pour être si drôle, il y a d’abord mon alimentation : «maghssoul», «bissara»…. Ça rend service (rire). Et puis, il y a le fait d’être entouré de gens qui ont envie de vivre et qui sont marrants. Pour répondre à votre question, je dirais que je m’inspire de ce que je vis au quotidien. Quand j’ai dit à ma mère que j’allais appeler mon fils Léon, elle m’a répondu : «Tu vas l’appeler comme ça tous les jours ?»
Qu’est-ce qui vous fait rire dans la vie ?
Beaucoup de choses me font rire, mais c’est spécialement la sincérité et la naïveté (niya) qui me font le plus marrer. Quand les gens sont au premier degré, je trouve ça très drôle. Quand les gens tombent, ça m’amuse (s’ils ne se font pas mal). La misère aussi peut être très marrante, à voir ce qu’a fait Charlie Chaplin…
Pour vous, est-ce que l’humour est un métier, un état d’esprit, un besoin… ?
C’est pour moi une façon de vivre, une philosophie, une façon d’être.
(le Matin )