Rôle de la société civile dans la valorisation et la préservation du patrimoine bâti de la Cité Portugaise de Mazagan/EL Jadida ,cas de l’association Cité Portugaise
Par Brahim EL KALII, ancien Président
La constitution de 2011 est venue renforcer le statut et le rôle de la société civile en lui consacrant un certain nombre d’articles fixant d’une manière claire, nette et précise ses attributions et autres compétences.
Le Gouvernement issu des élections législatives du 25 Novembre 2011 comptait parmi les départements ministériels qui le composaient un Ministère dit « Ministère chargé des Relations avec le Parlement et la société civile ».
Un premier constat de ce département a fait ressortir que le Maroc comptait près de 140 000 associations opérant dans différents secteurs et que 97% d’entre elles ne tiennent pas leurs assemblées générales annuelles et manquent de transparence et de bonne gouvernance. D’où la nécessité d’une opération d’assainissement.
Pour ce qui est de l’association « Cité Portugaise » de la ville d’El Jadida-Mazagan, j’aimerais signaler rapidement qu’elle a été créée en mars 1999 sur initiative d’un groupe de « Ouled Derb » (littérairement les enfants ou fils de la cité), hauts cadres exerçant dans la fonction publique Marocaine ou dans le secteur privé, motivés par la valeur de la reconnaissance vis-à-vis de leur quartier et sa population.
L’Association Cité Portugaise s’est fixé comme missions :
- Animer la Cité par l’organisation d’activités culturelles, artistiques et sportives et sociétales.
- Veiller sur la propreté et l’embellissement de la Cité.
- Participer à la promotion touristique de la Cité.
- Sensibiliser la population locale à la préservation, la sauvegarde et la valorisation du patrimoine bâti que renferme la Cité.
- Organiser des rencontres scientifiques et des activités culturelles régulières dédiées au patrimoine mondial ;
- Conclure des projets de partenariat avec des associations et autres ONG locales, régionales et internationales œuvrant pour les mêmes objectifs.
Mais aussi et surtout réhabiliter l’image de la Cité à laquelle on a collé des clichés à tort en la décrivant comme étant un quartier de marginalisés où règnent des maux sociaux (délinquance juvénile, analphabétisme, prostitution, consommation de drogues, rixes, disputes…).
Il convient de signaler que la Cité Portugaise d’El Jadida est un espace chargé d’histoire plurielle de par la confession des personnes qui l’ont habité depuis la nuit des temps (Juifs, musulmans et chrétiens).
Il est marqué surtout par une présence Portugaise, une occupation de près de trois siècles (de 1502 à 1769).
La Cité compte, d’après le Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH) 2014, une population de l’ordre de 1782 habitants répartis sur 464 ménages (lors du RGPH, on comptait 2261 habitants pour 498 ménages (la chute de ce nombre s’explique par la démolition d’un certain nombre de maisons menaçant ruine qui abritaient des familles nombreuses, et la vente d’autres à des Européens pour en faire des maisons d’hôtes).
On y trouve une vingtaine de maisons d’hôtes tenues par des Européens, acquis initialement auprès de Marocains, avant d’être érigées en structures d’accueil touristiques.
Comme lieux de culte, la Cité compte une mosquée, une synagogue, deux églises dont une (église Espagnole) a été transformée en un hôtel de charme et l’autre en un théâtre quarte. On y compte aussi quatre Zaouïas (confréries).
Comme structures de culture, la Cité abrite deux galeries d’art au nom de la grande peintre Chaâbia Talal, originaire de la région de Chtouka à 25 kms au nord d’El Jadida, et une deuxième au nom du grand sociologue Abdelkbir Khatibi avec une plaque commémorative indiquant la maison où a vécu l’écrivain Driss Chraibi pendant une bonne partie de son enfance.
La Cité renferme trois fours traditionnels de cuisson de pain au bois de l’eucalyptus, et un bain maure (Hammam traditionnel) scindé en deux, un pour femmes et l’autre pour hommes. On y compte aussi une quarantaine de locaux de commerce notamment des bazaristes et quelques modestes boutiques de produits alimentaires.
Pour revenir aux actions et activités entreprises pour l’Association pour valoriser le patrimoine de la Cité, on peut énumérer certaines qui sont devenues régulières et ponctuelles au fil des années :
+ Journée nationale de la société civile fêtée le 13 Février.
+ Saint-Valentin (14 Février) fêtée avec la communauté Européenne.
+ Journée internationale de la femme (08 Mars).
+ Journée nationale des monuments et sites touristiques (18 Avril).
+ Participation aux forums et autres manifestations organisées dans plusieurs villes du Royaume au profit des associations (Tétouan, Guercif, Oued Laou, Taza, Laayoune, Benslimane, Safi…) d’une façon ponctuelle et régulière pour enrichissement et échange d’expériences.
+ Organisation de rencontres annuelles pour célébrer l’inscription de la Cité Portugaise sur la liste du patrimoine mondiale
+Université Populaire du Patrimoine (UPP) initiée pour la première fois en 2011 en partenariat avec l’association « Casamémoire » et l’Institut Français. Il s’agit d’une série de conférences traitant différents aspects du patrimoine à raison d’une conférence par mois, ouverte au grand public, animée par un spécialiste (Archéologue architecte, historien et autres universitaires. Cette série d’étale sur une période allant du mois d’octobre au mois d’avril de l’année suivante.
L’UPP est couronnée par les « Journées du Patrimoine », sorte de portes ouvertes permettant au grand public de bénéficier de visites guidées par des « guides intermédiaires » parmi les « amoureux » du patrimoine ayant suivi une formation en parallèle aux conférences de l’UPP.
+Journées cultuelles de l’association, un évènement étalé sur cinq jours organisé, annuellement et régulièrement début du mois de juillet, renfermant un programme diversifié : cérémonie de remise de prix aux élèves du quartier ayant obtenu de bons résultats scolaires, hommage rendu aux femmes et hommes parmi les habitants de la Cité pour y avoir habiter pendant de longues années ou ayant rendu de loyaux services à la population ou honoré le quartier dans une discipline sportive ou mené une action caritative ou autre.
Le rôle de l’Association ne se limite pas dans le militantisme pour la préservation et la valorisation des sites et monuments historiques que renferme la Cité Portugaise, mais touche aussi les bâtisses situés au Centre-ville dont la construction remonte à l’époque coloniale Française : bâtiments de Bank Al Maghreb, Barid
Bank- ex. PTT, Perception, Ex. Bureau des affaires des indigènes (exploité actuellement comme musée par le Haut-Commissariat aux résistants), théâtre Afifi, l’ancêtre du théâtre municipal), hôtel de France…ainsi que d’autres vestiges tels que la Médina d’Azemmour, Kasbah de Boulaouane, Ribat de Tit (Commune de Moulay Abdellah) entre autres.
En Février 2005 déjà, et suite à la tenue d’un forum à Tunis sur les villes du patrimoine du monde dans les pays du Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, marqué par la participation d’une délégation officielle de la ville d’El Jadida, le président de l’association ayant fait partie cette délégation et usant du fait que l’association tenait et tient toujours à être une force de proposition, a soumis au conseil de la commune urbaine de la ville d’El Jadida un rapport avec une panoplie de propositions inspirées d’expériences réussies dans d’autres villes de ladite région telles que :
- La mise en place d’un service technique et d’urbanisme uniquement dédié à l’octroi d’autorisations de construire ou d’aménagement au sein de la Cité.
- La mise en place d’un plan de la Cité.
- Adhérer au collectif des associations locales ayant recensé, en 2013, un certain nombre de sites susceptibles d’être classé patrimoine national avant de le soumettre au Ministère de tutelle par le biais du Centre du patrimoine Marocco-Lusitanien.
- Les festivités marquant le 09ème anniversaire de l’inscription de la ville de Mazagan sur la liste du patrimoine
Il convient de signaler enfin que l’Association « Cité Portugaise » a pu bénéficier du financement de deux projets initiés par ses soins dans le cadre de l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) dont le premier consistait en l’aménagement et la réhabilitions du siège de l’association, un local qu’exploite l’association depuis sa création, une bâtisse qui date du temps du protectorat, marquée par un cachet architectural singulier ( le montant du projet est de l’ordre de 331.000.00 Dhs).
Le même projet a été marqué par l’adhésion du Groupe OCP qui a équipé ledit local par une dotation de matériel informatique.
Le deuxième projet consistait en la réalisation d’un terrain de foot-ball de proximité en dehors de l’enceinte de la Cité qui fait profiter aussi bien les jeunes du quartier que les jeunes des quartiers avoisinants.
Son coût global est de l’ordre de 320.000.00 Dhs.
Deux projets qui à mon avis vont dans le sens de la valorisation de la réhabilitation « morale » et matérielle de la Cité Portugaise.