Les cahiers d’El Jadida de Mustapha Jmahri
Pour connaître l’histoire contemporaine d’une ville cosmopolite-_-
Lancée depuis 1993, la série Les cahiers d’El Jadida, publiée et éditée par l’écrivain Mustapha Jmahri, entame, en 2015, sa 21ème année d’existence.
Son objectif précis est de mettre à la disposition des lecteurs, qu’ils soient chercheurs ou simples curieux, des données sur le passé récent de cette cité cosmopolite et de son port international. Il fallait d’urgence s’atteler à cette tâche car les éléments du passé (archives et souvenirs) sont toujours sujets à disparition et risquent de se perdre à jamais. Consigner ces bribes de mémoire sur le papier, les sauver de l’oubli fut, pour l’auteur, la raison scientifique première de son entreprise mais également un devoir moral.
Dans cette optique, l’apport de ses contributions est certainement multiple : participer à l’effort de recherche scientifique par des travaux de première main, contribuer à promouvoir le volet culturel local et régional et de la sorte aider à l’accumulation d’un savoir sur l’histoire de la ville et de sa région. S’agissant de ce dernier point, il y avait là une lacune à combler au moment où le Maroc a érigé constitutionnellement la Région en tant que collectivité locale.
A ce jour, la série a révélé une partie de la bibliographie historique de la ville et a recueilli les souvenirs des anciens Jdidis marocains sur leur vie au temps du Protectorat, ceux des Français anciens de la ville ainsi que les témoignages des Marocains de confession juive sur leur attachement à la cité. Elle a permis aussi l’évocation de la vie d’autres communautés européennes. La série a abordé également le rôle du port dans la création de la cité, la vie des agriculteurs étrangers dans les Doukkala, l’histoire consulaire de la ville, les chroniques secrètes, le patrimoine portugais classé patrimoine mondial et l’aspect sanitaire au cours des derniers siècles.
Selon l’auteur, il serait intéressant de souligner que l’opportunité de ce genre de travaux et de publications ne se mesure pas uniquement à l’échelle interne, il a aussi un effet sensible sur la prise en compte de la diversité culturelle et du rayonnement externe. Ces travaux sur la mémoire locale peuvent ouvrir des perspectives en matière de tourisme culturel, d’échange et de partage d’expérience avec les peuples du monde.
Faut-il rappeler, à titre d’exemple, que certaines investigations de l’auteur ont permis de mettre à jour la visite d’Antoine de Saint-Exupéry au caïd Tounsi dans la kasbah de Boulaouane en 1927 ? Il a pu révéler la liste des 80 consuls étrangers à El Jadida en traquant les archives. Il a rappelé l’installation de l’écrivaine suisse Grethe Auer à Mazagan en 1898 mais aussi la présence d’une communauté allemande avant le Protectorat. Enfin, il a indiqué que l’idée d’un musée d’El Jadida remontait déjà aux années quarante.
Bien entendu la tâche n’est pas très facile et le chercheur doit constamment affronter des difficultés d’ordre documentaire et matériel mais, pour un auteur passionné, les difficultés ne sont pas faites pour l’abattre mais pour être abattues.
jmahrim@yahoo.fr