Published On: lun, Avr 19th, 2021

« Passés Complexes : Futurs Divers » thèmes d’ICOMOS-International pour la Journée internationale des monuments et sites (18 Avril 2021)

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Le mot du Directeur du Centre d’Etudes et de Recherches sur le Patrimoine Maroco-Lusitanien, Aboulkacem CHEBRI

Instaurée par ICOMOS-International en 1982 et adoptée officiellement par l’UNESCO, la Journée Internationale des monuments et Sites, célébrée le 18 Avril chaque année, est un moment de réflexion sur l’état du patrimoine et son devenir et non une journée pour se vanter des réalisations de nos ancêtres respectifs, en restant les bras croisés.

Le patrimoine maroco-portugais illustre très bien la philosophie du thème désigné cette année par ICOMOS-International pour la Journée mondiale des monuments et sites (18 Avril) : « Passés Complexes : Futurs Divers« . Un passé qui n’a pas été facile, pour les deux pays, bien que ce sont les Marocains qui en avaient souffert le plus. Mais ces rencontres maroco-portugaises, au Maroc aux temps des occupations portugaises et au Portugal au temps d’Andalousie et la présence marocaine là bas, ces rencontres nous ont légué un riche patrimoine, matériel et immatériel, que nous désignons comme patrimoine commun, patrimoine partagé, aussi bien celui qui existe au Portugal que celui du Maroc. Le devenir de ce patrimoine multiple et commun, semble plus ou moins sur de bonnes voies au vu des efforts déployés ici et là, bien que les aspirations de nos sociétés sont plus grandes et plus pressantes. Or, les moyens ne sont pas toujours à la hauteur des attentes et, des fois, les politiques en général et les politiques culturelles en particulier sont en déphasage par rapport à la réalité.

Ce patrimoine maroco-portugais, ou luso-marocain et le patrimoine de plusieurs cas similaire dans le monde, sont certes des patrimoines nés dans la douleur, en des temps de conflits, de croisades, de guerres, d’occupations, mais ces mêmes patrimoines constituent en fin de compte des rencontres interculturelles entre ces mêmes pays. Avec le recul, ces patrimoines, depuis la Mésopotamie, la Grèce, Rome et jusqu’au XXème siècle, sont actuellement devenus un moyen de dialogue, de partage, de communion parfois, en fonction de la hauteur que prennent les uns et les autres en regardant le passé sous de nouveaux angles de coopération, d’approches inclusives et de politique d’égal à égal, gagnant-gagnant. La pandémie Corona-Covid de 2020 est un mal qui vient démontrer aux humains leur combat commun pour la survie, leur destin commun.

En regardant le futur, le devenir d’un patrimoine commun et d’une culture partagée, on est amené non seulement à prendre en considération le principe de dialogue et de paix, mais essentiellement de mesurer à leur juste valeur les retombées économiques du patrimoine et l’atout développement durable et intégré, sachant que le patrimoine est indissociable de l’environnement naturel. Le patrimoine est un levier économique incontournable, quand on sait en tirer profit, pourvu que l’on dispose de politique culturelle bien claire et d’une stratégie du patrimoine. Mais cela suppose, voire il exige une coopération internationale, en matière d’échange d’expertise, comme en matière des financements. En préservant le patrimoine, on préserve la vie humaine.

Faut-il préciser que, pour le cas du Maroc, les patrimoines maroco-romain, maroco-espagnol, maroco-anglais et maroco-français ressemblent au patrimoine maroco-portugais dans cette dimension des douleurs du passé mais aussi dans cette approche du commun, de partage, d’influences réciproques et de profits mutuels. Ces patrimoines, ou ce patrimoine multiple et partagé est aujourd’hui un atout de rapprochement, une passerelle interculturelle et économique et il interpelle toutes les Communautés à regarder le passé d’un nouvel œil, sans effacer ce passé, mais le revisiter avec courage et dans un climat d’entente, de reconnaissance et du pardon, pour pouvoir aller de l’avant dans des temps des plus difficiles de l’Humanité. On n’est pas sensé oublier, mais on est tenu de pardonner. Le pardon est plus fort que l’oubli, sachant qu’on n’oublie pas, on fait taire le passé, momentanément. On n’oublie pas, mais on pardonne. Le pardon est plus fort que l’oubli déguisé.

L’Appel de l’ICOMOS dans la dissertation du thème de cette année 2021 est sans équivoque. Un message très fort qui appelle effectivement à revisiter le passer dans tous ses paramètres et ses faits, en considérant le futur avec raison, concertation, en synergie et un cadre inclusif.

Aboulkacem CHEBRI. Directeur du Centre d’Etudes et de Recherches sur le Patrimoine Maroco-Lusitanien (Min. Culture)

18 Avril 2021. Al-JADIDA (MAROC)

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