Mustapha Jmahri, Sherlock Holmes de l’histoire mazaganaise
Par Jean-Louis Morel

Le numéro 21 des Cahiers d’El Jadida intitulé Fragments de vie de Mustapha Jmahri vient d’arriver sur ma table et j’ai tout abandonné pour me plonger dans cette lecture où je prends à chaque fois un plaisir extrême. J’ai pourtant déjà lu les vingt premiers numéros de ces fameux cahiers mais, à chaque fois, le charme opère. Comment expliquer cette addiction ?
Cela tient à plusieurs raisons. Certes, je ne suis pas né à Mazagan mais j’y suis resté 18 ans, de deux à vingt ans. J’ai donc un immense plaisir à retrouver au fil des pages des noms qui me sont familiers, noms de camarades de classe, de professeurs ou de commerçants. Qu’ils se nomment Vinand, Rizzo, Faraché, Bénatar, Ruimy, Bensoussan ou Tahar El Masmoudi, Mohamed Jebli, Abdallah Abbadi ou Abdallah Samir, tous ces noms me parlent, je dirais même qu’ils chantent à mes oreilles.
Les endroits traversés au cours de ma lecture me sont également familiers : la petite forêt, le Cap blanc, la Remonte, le parc Spinney, autant d’endroits où mon âme aime encore vagabonder au fil de mes rêves…
Cependant l’ami Mustapha, en quête d’informations nouvelles au sujet de cette ville que nous avons tant aimée, nous fait aussi revivre des épisodes peu connus et il nous restitue des pans entiers de l’histoire de la ville qui auraient pu s’effacer des mémoires sans lui, sans ses recherches dignes d’un Sherlock Holmes de l’histoire mazaganaise. Si des esprits chagrins venaient à objecter que les faits révélés sont souvent des détails, je répondrais que la grande histoire nait souvent d’un détail : un coup d’éventail sur la joue de l’ambassadeur de France a suffi pour entrainer la colonisation de l’Algérie ou bien encore le simple coup de feu de Gavrilo Princip sur l’archiduc d’Autriche à Sarajevo a déclenché la première guerre mondiale avec ses 18,6 millions de morts. Chaque détail peut avoir son importance et souvenons nous de ce que disait Blaise Pascal : « Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, toute la face de la terre aurait changé. »
Et je mesure, à chaque numéro des Cahiers d’El Jadida, la chance qu’a notre Amicale des Anciens de Mazagan et de sa Région de compter parmi ses membres un écrivain aussi précieux que je qualifierais volontiers de mazaganologue.
Le travail de Mustapha Jmahri donne tout son sens à ce vieil adage du sénateur romain du 1er siècle Caius Titus : « verba volant, scripta manent » c’est-à-dire « les paroles s’envolent, les écrits restent. » Cela donne tout son sens au travail de notre ami qui sauve de l’oubli tant de chapitres de l’histoire de la ville.
La riche iconographie est ici essentielle car elle est porteuse d’information sur les anciens personnages du Deauville marocain qui ont laissé au cœur de la ville une partie de leur âme.
Enfin, même après dix huit ans passés à Mazagan-El Jadida, je ne pouvais pas connaître tous ceux qui se sont succédé dans cette ville et y ont laissé une trace. Je prends conscience à chaque lecture de l’extraordinaire richesse du tissu humain que la cité a abrité. Là encore, je songe à ce que disais Jean Bodin en 1576 dans les Six livres de la République : « Il n’est de richesse que d’hommes. »
Avant de ranger El Jadida Fragments de vie dans ma bibliothèque marocaine, j’achève en déclarant que, pour son utile contribution à l’histoire d’El Jadida, Mustapha Jmahri suscite en moi admiration et respect.
Jean-Louis Morel
vice-président de l’amicale des anciens de Mazagan