Published On: mar, Juin 2nd, 2020

Yves Bouteille : Mustapha Bencherki l’élève chéri de Mme Planas

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Par Mustapha Jmahri

« Je vivais à Mazagan où j’ai fréquenté l’école primaire et où je suis devenu enseignant sans jamais imaginer que je quitterai cette ville un jour » c’est ce que m’a affirmé avec un brin de tristesse Yves Bouteille ancien de Mazagan, vivant aujourd’hui à Perpignan. Arrivé à El Jadida en 1939 à l’âge de trois ans avec son père officier de l’armée française, il y passa vingt ans de sa vie soit jusqu’en 1959. Ci-après quelques bribes de son histoire :

                 « J’avais trois ans quand mon père, Emile Bouteille, officier de l’armée française, arriva au Maroc. C’était en 1932. Nous nous sommes installés d’abord à Khenifra et, après quelques années, nous avons suivi mon père à Midelt. En 1938, il a eu une belle promotion et fut muté à Meknès. Puis, vers la fin de sa carrière, en 1939, il fut affecté à Mazagan comme commandant de garnison.

                 J’ai donc fait toute ma scolarité à Mazagan à l’école du marché dirigée par Mme Clavières. Puis je suis passé au collège. J’étais en classe notamment avec mon ami Mustapha Bencherki et on faisait partie, tous les deux, de l’équipe de football du collège. Il jouait comme arrière-droit et moi comme arrière-gauche. Mustapha était un bon élève qui faisait la meilleure dissertation de la classe. En tant que tel, il était l’enfant chéri de Mme Planas, notre professeur de français. Elle nous disait : « Regardez, il n’est pas Français et il est meilleur que vous ! ». Plus tard, en 2007, je suis allé lui rendre visite chez lui sur l’avenue des palmiers à El Jadida.

                 Parmi mes autres amis à El Jadida, il y avait le fils du caïd Bouali. Ce beau jeune homme moderne a disparu juste au moment tumultueux de l’Indépendance. On nous a dit qu’il aurait été visé par un groupuscule venu de Casablanca parce que son père était caïd au temps du Protectorat. Mais, on n’a jamais su véritablement les détails de cette affaire survenue dans la période délicate du tout début de l’Indépendance.

                 On habitait près de la maison du docteur Antoine Paoletti, sur l’avenue qui longe l’ancien parc Spinney. On était bien à Mazagan où mon père a pris sa retraite. Mais un drame allait survenir dans ma famille. En effet, mon père revenu dans le civil était allé un jour se baigner à la plage et s’était noyé. C’était au mois de septembre au moment des grandes marées. On n’a pas su tout de suite ce qui lui était arrivé ce jour-là. Ce n’est que vers midi que ma mère, constatant son absence au déjeuner, a chargé mon frère aîné d’aller voir du côté de la plage. Mon frère avait 14 ans et c’est lui qui, sur les lieux, remarqua une foule de gens autour de mon père décédé après sa noyade.

                 Mon père fut enterré d’abord au cimetière de Mazagan. Ma mère se trouva dans une situation difficile, car, femme d’officier, elle n’avait jamais travaillé en dehors de la maison. Elle a donc appris la dactylographie et trouva un poste de secrétaire au bureau dit Dar El-Askri. C’était le bureau qui s’occupait des affaires des veuves des militaires et des anciens combattants.

                 Devenu enseignant, j’ai travaillé à la nouvelle médina de Casablanca. Je fus ensuite muté à Mazagan à l’école de l’avenue Foch aujourd’hui avenue de la Résistance. L’école était dirigée par le directeur Felix Poli, remplacé ensuite par Basty puis par Ratel. J’y ai passé trois années scolaires. Mais je dois préciser qu’en arrivant l’école Foch était en train d’être construite. En attendant l’achèvement du chantier, j’ai passé cette première année dans une sorte d’école de fortune ouverte dans un fondouk près du stade.

                 Puis arriva le moment de regagner la France. Je suis parti en 1959 à un moment où plusieurs autres Français quittaient le Maroc. A cette époque, les écoles et les administrations commençaient à recruter du personnel marocain et c’était normal. Il faut dire que le personnel marocain d’alors était aussi compétent que celui européen et maîtrisait aussi bien le français que l’arabe. C’est ainsi que la transition administrative s’est passée sans secousses. Ma mère resta seule à El Jadida et travailla à la conservation foncière à côté de Si Mohammed Serghini. A son tour, elle quitta El Jadida en 1963 et fit rapatrier le corps de mon père.

                 Enfin j’ai tout fait dans ma vie. J’ai vu de belles choses, de beaux pays. J’ai connu des gens tout à fait merveilleux, d’autres beaucoup moins également. C’est le lot de tous ceux qui sont vivants. Un jour viendra où il faudra quitter ce monde, mektoub !

jmahrim@yahoo.fr

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