La richesse mémorielle dans « Une vie d’engagements à El Jadida »
La richesse mémorielle dans « Une vie d’engagements à El Jadida »
Par : M’barek Bidaki
Pour avoir exercé dans le même établissement public que le militant Mokhtar Timour et avoir fait partie, à un certain moment, avec lui du même bureau syndical, j’ai connu un peu les péripéties de sa vie. Cependant, l’occasion de connaître des épisodes de la vie de ce militant depuis l’enfance ne s’était présentée à moi que plus tard, en 2013, quand j’ai collaboré avec le romancier Habib Daim Rabbi et l’universitaire Abdelmjid Noussi à écrire la première version non publiée de son autobiographie en arabe. La version récente publiée en français par Mustapha Jmahri, dans Les cahiers d’El Jadida, apporte, quant à elle, d’autres éléments sur le parcours de ce syndicaliste.
Ayant travaillé sur la version arabe et ayant lu ensuite la version publiée en français, je peux dire que le parcours de ce militant notamment à El Jadida est riche en données et informations sur l’histoire du Maroc dans les années soixante-dix et sur des personnalités éminentes qui ont marqué cette époque. Quoi qu’on puisse prétendre qu’il s’agit là de l’expérience d’un « héros sans gloire » pour emprunter le titre du livre de Mehdi Bennouna, l’on est tenté de dire aussi que le Maroc, en général, est fait de ces militants de base qui se démènent corps et âme pour laisser dans la vie la trace de leur passage.
Le livre sur le parcours de Mokhtar Timour ne se cantonne pas aux seuls aspects proprement personnels, mais il regorge surtout d’informations syndicales, sociales et politiques sur le Maroc de la fin du Protectorat et des lendemains de l’Indépendance. À mon sens, trois points principaux font l’importance de ce livre : D’abord le fait qu’il s’agit d’un riche parcours alternant le football, le syndicat, la politique et la vie professionnelle, ensuite le fait que l’ouvrage est riche de petits détails sur le fonctionnement interne de plusieurs institutions syndicales et ou administratives et, enfin, le fait que l’intéressé a connu ou a côtoyé des personnalités éminentes du Maroc d’alors telles : Ali Yata, Raymond Aubrac, Abdelkrim Khatib, Abdelkrim Benslimane, Paul Pascon, Mahjoub Bensedik, Hassan Bazwi, Mohammed Chraïbi, Mohammed Abderrazak et bien d’autres.
Le livre présente aussi un aspect qui peut intéresser les sociologues en général et les spécialistes des organisations en particulier dans la mesure où il apporte un regard de l’intérieur sur le fonctionnement d’un club de football (DHJ), d’un syndicat marocain (l’UMT) et d’une administration publique (l’ONI puis l’ORMVA). Cela nous apparait à travers l’expérience vécue par l’intéressé, expérience souvent difficile quand notre témoin se heurte à l’incompréhension et à l’indifférence de ses supérieurs.
Enfin il faut saluer ce genre d’initiative qui vise à faire connaître la mémoire de nos aînés qui conservent et transmettent aux jeunes générations des noms, des faits, des opinions et des monuments aujourd’hui disparus mais qui ont marqué la petite comme la grande histoire.