Published On: ven, Jan 17th, 2020

Abdelmajid Kahia ancien collégien à El Jadida

Share This
Tags

Par Mustapha Jmahri

J’ai reçu ce témoignage d’un ancien d’El Jadida. Il s’agit d’Abdelmajid Kahia-Tani, ancien directeur régional de la pharmacie centrale algérienne de 1973 à 81, dont la famille est venue de Tlemcen à El Jadida comme refugiée au Maroc. Dans ce témoignage, Abdelmajid, dit Abdou, fait le lien entre les deux villes de son existence : El Jadida et Tlemcen. Mais l’importance de son témoignage réside dans le fait qu’il évoque les particularités du  système éducatif de l’époque basé sur le modernisme, l’ouverture et la réflexion.  Il témoigne :

En 1955–1956 et par solidarité avec le Maroc qui, tout comme l’Algérie, luttait contre le colonialisme, les écoliers de Tlemcen à l’âge de onze-douze ans se sont mis à porter le tarbouche al-Watan pour ressembler à SM Mohammed V qui venait de retourner à son pays après la fin de son exil à Madagascar. J’étais un de ces écoliers si bien que, lors de mon arrivée en septembre 1956 à Mazagan devenue El Jadida, je me suis senti chez moi. Les enfants Doukkalis m’ont reçu comme un des leurs. J’étais des leurs et même le sable parfois très mou de la plage me semblait familier lors de nos premières parties de football. Même le vocabulaire local n’a pas arrêté mon intégration parmi les enfants Jdidis.

Je garde une saveur ineffable des années 1955–1956 car tout a changé pour moi, mais mon adoption s’est faite le plus normalement du monde. A Mazagan comme à Tlemcen j’étais en symbiose avec les enfants du Maroc de mon âge puisqu’ils étaient comme moi dominés mais libres.

Une fois arrivé à Mazagan–El Jadida, j’ai trouvé une ville cosmopolite mais avec la différence qu’à El Jadida les Marocains et les étrangers vivaient en bonne intelligence. Au collège mixte, les filles et les garçons étaient dans la même classe et très souvent côte à côte à la même table. C’était une ville laïque ou toutes les religions se côtoyaient et se respectaient.

Les échanges d’idées étaient facilités par nos enseignants souvent Français et certains dans le cadre du service national. J’ai même eu le privilège d’avoir comme professeur en histoire-géographie René Gallissot, éminent chercheur à Paris depuis une cinquantaine d’années et que j’ai eu la chance de rencontrer à Tlemcen lors des journées organisées il y’a une dizaine d’années par une très intéressante association L’ECOLYMET. A El Jadida il y avait un groupe de Français très dynamiques et à sa tête Monsieur Adigard-des-Gautries qui s’occupait du cinéclub. Les films projetés étaient de très haut niveau, les discussions et échanges d’idées étaient souvent très philosophiques et techniques. C’était pour moi, un excellent exercice pour m’affirmer au lycée Ibn Khaldoun ex collège mixte.

Je dois avouer que ces Français libéraux nous ont vraiment gâtés. On a eu la chance d’apprécier des pièces de théâtre, les meilleures de Racine, Corneille, Molière et Victor Hugo jouées par la Comédie française. Nous sommes devenus progressivement cartésiens : la logique l’emportait sur les idées obscurantistes.

Dans la ville régnait une totale liberté d’aller et venir, les jeunes hommes et jeunes filles habillés à l’européenne sans aucune gêne et sans que personne ne s’avise à dire quoi que ce soit. Les jeunes se promenaient en centre-ville et au bord de la grande plage ; ils allaient consommer des rafraichissements à l’hôtel Marhaba au bord de la piscine. Les jeunes gens étaient équilibrés, cultivés et parvenaient, une fois le baccalauréat obtenu, à faire des études à l’étranger : Europe, Etats-Unis et Canada et ce même dans les grandes écoles. L’enseignement public (Je ne dis pas privé très rare à cette époque) était de qualité. Les mœurs étaient saines, on allait en surprises parties mais la tenue était irréprochable, le respect était de mise.

El Jadida est une ville où j’ai été heureux, j’ai eu des amis avec qui j’ai partagé des moments inoubliables tels Abderrahmane et Fatima Ait-Kaci, Bensahou Mustapha, Moubarik Mustapha, Nejmi Mokhtar, Rabéa et Mustapha Hcine (excellent handballeur international avec Dehbi Zhar, meilleur joueur marocain de tous les temps), Driss Boujibar, Ahmed Bouafi (1er goal de hand de l’EJUC), les frères et sœurs Bouafi, Othmane Lahlou, Moulay M’hamed Khatib, Jaouad Hassar, Zina Mouine, Amine et Farida Kasmi, ma collègue Ayada, El Hentati, Rkia Serraj, Mohammed Bouchtia et sa sœur, Jacqueline Correia, Christiane Ratel, Jean-Marc Revol, Nafissa et Nezha El Khatib, Mohammed Haddadi, ainsi que le footballeur Maaroufi. Je ne peux pas citer tous les noms – mes amis étaient si nombreux !

jmahrim@yahoo.fr

Photo : Abdelmajid Kahia-Tani (en discussion avec M. Jmahri), son frère et ses sœurs lors de leur visite à El Jadida

About the Author

-

laissez un commentaire

XHTML: You can use these html tags: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>