Published On: ven, Déc 20th, 2019

Les sages répliques de Abdellah « A-ta-place »

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Par Mustapha Jmahri

J’ai suivi sur facebook, ces derniers jours, l’annonce de la visite effectuée par un groupe de personnes d’El Jadida, parmi lesquelles l’artiste el-Bachir Boukhairat et le docteur Farid Freiji, au domicile du nommé Abdellah, dit A-ta-place, qui se trouve dans une situation précaire. Cette visite avait un caractère social et humain puisqu’elle avait le but de fournir aide et soutien à sa famille qui s’occupe de lui au douar Tagine près de la cité universitaire. Une initiative hautement louable.

Comme beaucoup de Jdidis, je me souviens que, dans les années 80, Abdellah A-ta-place  fréquentait le centre-ville et notamment la place Hansali qu’il parcourait en gesticulant et en criant haut et fort « A ta place » ! C’est de là que lui est venu ce sobriquet. Il passait dans la rue en envoyant des coups de poings dans l’air, à gauche et à droite, et il se tortillait face à un ennemi invisible qu’il combattait. Les gamins le taquinaient et répétaient ses mots en se moquant de lui alors que les adultes, qui comprenaient sa détresse et sa maladie, le laissaient tranquille. Et lorsque, finalement, il parvenait à maîtriser, dans ses rêves, ce terrible fantôme, il lui intimait en français cet ordre catégorique : « A ta place » ! À la fin de ses combats virtuels, il s’asseyait, tout en sueur, à la terrasse de l’ancien café Souss, aujourd’hui disparu, pour souffler un peu. Les clients lui offraient ce qu’il désirait thé ou café au lait. Une fois sa consommation terminée et après un moment de repos, il reprenait son combat en arpentant l’avenue. Nous imaginions que le méchant spectre le harcelait de nouveau et que lui seul, Abdellah, était mandaté par la ville pour le remettre à sa place à grands coups de poings.

Vers l’année 2000, Abdellah A-ta-place avait disparu du paysage de la ville jusqu’à ce qu’on entende parler de lui de nouveau sur facebook par les personnes qui ont lancé un appel pour  lui venir en aide.

Parfois, quand Si Abdellah avait lancé son ordre comminatoire « A ta place ! », et que l’ennemi avait refusé d’obtempérer, notre homme lui lançait sa deuxième réplique « Ta bach ya Aw-aw » qui signifie « Mais avec quoi Aw-aw ? ». Ce qui voulait dire en clair que la méchante créature doutait des capacités physiques de Si Abdellah et le menaçait d’extermination, d’où sa réponse brute et tranchante : « Mais avec quoi Aw-aw ? ». Il la nommait Aw-aw pour l’assimiler à un chien qui se contente d’aboyer.

Plus tard, avec un groupe d’amis, quand nous lisions le journal au café et qu’on prenait connaissance de certaines déclarations d’élus ou de responsables qui se gargarisaient de mots creux ou qui annonçaient des promesses jamais tenues, on s’inspirait alors des répliques du sage Abdellah et nous disions en guise de commentaire  « Mais avec quoi Aw-aw » ? Autant leur dire qu’ils n’étaient capables de rien.

Ainsi cet homme, dérangé certes,  avait-il le mérite de mettre « à leur place » tous ceux qui se contentaient de parler  dans l’air  et de leur signifier qu’ils étaient de simples imposteurs qu’il ne fallait jamais croire. Tahar Benjelloun n’avait-il pas déjà écrit « Moha le fou, Moha le sage » ?

jmahrim@yahoo.fr

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  1. P.O.U.R . 1 – « M.A.i.N.T.E.N.A.N.C.E – H.U.M.A.N.i.T.A.I.R.E » – des – P.E.R.S.O.N.N.E.S – en – S.I.T.U.A.T.I.O.N . de « H-A-N-D-I-C-A-P » & la – « V.U.L.N.E.R.A.B.I.L.I.T.E. » de leurs F.A.M.I.L.L.E.S »

    AIDEZ-LES PENDANT QU’ILS SONT ENCORE EN VIE : DIEU VOUS LE RENDRA BIEN !

    Merci pour ce geste louable- Merci à tous ceux «virevoltent » pour nous rappeler à la mémoire, la souffrance des vulnérables – ..Merci à El-Bachir Boukhairat, Chahid noureddine,…et bien d’autres tel i.Fatih, Nhami ou les infatigables journalistes Abou Fariss, Lokhnati,..pour ne citer que ceux qui me reviennent sur le bout de la langue et j’en oublierai forcément d’autres…telle Zakia HENNIOUI, cette jeune kinésithérapeute, qui soigne gratuitement dans son cabinet à côte de la pharmacie dikra, des patients en difficulté de mobilité, bouzelloum, rhumatisme : tels l’haj Dahbi ayant la sciatique, ou le Jeune karim Didi, tétraplégique, & biens d’autres…

    Cependant, pour compléter ces gestes généreux, un appel aux proches des malades, en perte d’autonomie, s’impose : pourquoi ne pas se regrouper, via les associations, pour échanger des informations sur leurs conditions, sur le poids de l’isolement qui les réduit à la limite de la misère humaine, sans soutien médical, ni matériel, ni humain ! Voire même : défendre leurs intérêts et leurs droits et forcer ainsi la loi à reconnaitre leurs difficultés…En attendant, les mou7sinine assureront le maintenance humanitaire !

    MOSTAFA HAJY PARIS le 05.08.2020, mostafahajy@gmail.com

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