Un pont entre les deux rives de la Méditerranée : Ahmed Ghayet, le « grand frère » de la jeunesse franco-marocaine
Damien Heurtebise, le directeur de l’Institut français d’El Jadida, est en passe de gagner son pari. La « délocalisation » des animations culturelles et notamment des rencontres littéraires hors des murs devenus étroits de la médiathèque Driss-Chraïbi est une initiative mûrement réfléchie et qui ne trouve pas uniquement sa source dans l’espace des locaux de l’Institut devenu insuffisant. La raison principale est tout autre et vise la rencontre des publics jdidis : apprendre à se connaître et à partager des moments qui se veulent conviviaux… le but étant de créer une synergie dans une ville où les échanges toujours plus développés seront le ciment du « vivre ensemble ».
Les présentations d’usage par le « maître de cérémonie » de la soirée nous décrivit le « beur » Ahmed Ghayet, né en France -en Ardèche- comme un « éternel jeune » qui, en 1983, « fit ses armes » en participant à la marche des jeunes contre le racisme à la suite des violences qui firent 9 morts à Vénissieux au quartier des Minguettes. Partis à 17 de Marseille, les marcheurs se retrouvèrent à 1 000 à Lyon et 150 000 à Paris. « Le marcheur philosophe » brosse succinctement son parcours « banal mais assez original ». L’école de la République et le Maroc (« la terre de mon pays à la semelle de mes souliers ») le font naviguer entre deux cultures. Le vécu de la marche des jeunes contre le racisme détermine sa voie, celle de son implication associative à peine écornée par une collaboration avec deux femmes qui, indiscutablement ont marqué le jeune Ahmed, Martine Aubry qui l’appellera à son cabinet lorsqu’elle devint ministre de l’Emploi et des Affaires sociales et Elisabeth Guigou. Il dira d’ailleurs de ces femmes ministres qu’elles ont « l’intelligence de s’entourer des meilleurs collaborateurs » afin de se hisser au sommet à la différence des hommes qui se contente d’être grand entouré de pâles assistants… La campagne électorale de Lionel Jospin puis le « retour » au pays avec les attentats de Casablanca en 2003. Il s’implique désormais dans la vie associative marocaine auprès des jeunes dont, finalement, il n’a cessé d’être.
Le livre « Demain sera eux » est un hymne à la jeunesse marocaine tiraillée entre tradition et modernité, entre l’enseignement des aînés et sa soif de liberté dans un monde globalisé. Ces jeunes qui affrontent les dures réalités du chômage et de l’exclusion, ont pourtant une démarche positive. « Un pays qui a peur de ses jeunes est un pays qui a peur de son avenir » et c’est bien ce qui arrive au Maroc, un pays qui, pourtant, a connu d’immenses progrès dans tous les domaines, n’a pas encore trouvé sa voie pour « le vivre ensemble ». Ce sont des « grands frères » comme Ahmed Ghayet qui récoltent et organisent toutes les énergies de cette jeunesse qui veut sortir du « chacun pour soi » et développer des idées de partage et d’égalité… Le livre est la contribution de trente personnalités marocaines et de dix jeunes au travers d’un texte et d’une photo… Un beau livre pour les jeunes qui fera que « Demain sera eux » …