Published On: jeu, Mai 14th, 2015

NOSTALGIE QUAND TU NOUS TIENS…

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EL JADIDA : «  UNE HISTOIRE DE FOUS ! »

Qui a perdu la raison ? Les personnages de ma petite histoire nostalgique, des rejetés par la société, ou ceux, qui font justement cette société, ou bien faut-il de tout pour faire un monde ?

Aujourd’hui on ne les voit plus ces pauvres gens qu’on qualifiait de fous à El-Jadida. Et pour cause, ils sont pratiquement tous décédés… Sauf, j’espère qu’il est toujours en vie, notre ami Abdellah, connu sous le surnom de « à ta place ». Ce bonhomme, je l’avais vu, il y a environ deux ans au Douar Touajna où il est chez lui. Je n’ai pas hésité une seconde pour lui demander, comment allait-il et que faisait-il ici ? Il me répondit par un sourire chaleureux, les yeux pleins de larmes, non pas d’émotion provoquée par les retrouvailles mais tout bonnement par l’opacité du cristallin de ses yeux. Une cataracte !

Les retrouvailles ! Figurez-vous qu’il m’avait reconnu. Et comment, c’était le dernier mohican avec lequel j’avais l’habitude, assez souvent, de prendre un café « noce-noce » comme il adorait le dire au garçon qui lui répondit « ouoikhâ bâ Abdellah», façon de me communiquer qu’il le connaissait ! Voilà maintenant plus d’une décennie… Les gens, qui le voyaient faire la navette du centre de la ville en exécutant des mouvements de karatéka tout en sueur et criant à ta place à celui que lui seul voyait, l’appelaient « à ta place ». En général, cette exhibition de fou, selon ces gens-là se déroulait le matin ! Hormis cet instant de « folie », Abdellah ne faisait du mal à personne et ne demandait l’aumône à personne. Après salate Al-Asr, il attendait gentiment au coin du café jaouhara qu’un ami se pointe pour lui offrir son « noce-noce » ! Voilà comment était la vie citadine d’Abdellah qui, probablement rentrait, le soir au Douar…et rebelote le lendemain jusqu’au jour où il ne pouvait plus descendre en ville, handicapé par le poids de l’âge et sa cataracte…

Avant lui, la grande poste était le secteur de Khninna et Lmouche. Deux aliénés qui se connaissaient et chacun respectait la zone de l’autre. On les surnommait ainsi, vu que, le premier avait toujours la mucosité qui coulait de son nez et toujours armé d’une barre de fer pour se défendre contre les gamins qui lui cherchaient noise ! Celui-ci dessinait, assez souvent, sur le mur de la poste, sis derrière le panneau de publicité du cinéma marhaba (actuellement, centre commercial), avec un crayon un paquebot dont la cheminée dégageait des spirales de fumée, cap sur la plage et juste à côté de ce dessin, la montre classique qu’on accroche à la poche du gilet par une chainette indiquait 15 heures pile, suspendue à un clou ! Que voulait-il dire, Khninna par ce graffiti ? Dieu, seul le sait.             Quant à Lmouche, rien qu’à la prononciation du mot « mouche », il piquait une crise et vociférait des injures tout en s’enfuyant dans tous les sens ou vers le théâtre municipal, le secteur de son ami Lafdiha Tibari. Ce dernier avait l’habitude de le couvrir et de chasser les garnements dont quelques cranes téméraires étaient marqués par une bosse signée Khinna ! Tibari Lafdiha par rapport aux autres n’était pas fou du tout mais il connaissait mieux que tout le monde ceux qu’on traitait de fous ! Ce dernier, porteur de son état, gagnait sa vie à la sueur de ses épaules et dépannait toujours ; Lmouche, Khinna et Alami… Le bonhomme fou du Diffaa Hassani Jadidi… Alami, connu par les portiers du stade municipal avait l’accès libre au terrain de football. Il ne ratait aucun match et adorait qu’on lui parle, en bien de l’équipe jdidi. Il avait des pieds immenses. Toujours pieds nus, il sillonnait pratiquement toute la ville, tête couverte d’un tarbouche rouge ! Son lieu de repos, café de Laouiya… Il y avait aussi Bouicha Lakraa. Le mendiant à la tête pointue, au sommet du crâne une touffe de poils. Les chenapans le taquinaient au souk lakdime au risque de prendre un coup de la barre de fer de Bouicha…Avant Bouicha Lakraa, les gosses s’en prenaient à Kafayoure, mais de très, très loin, car, ils avaient affaire à une vraie armoire ! Celui-ci était grand de taille et tel Obélix, portait sur ses larges épaules une immense « rozema » de torchons qu’il ramassait des devants des «  Hlaifias », rue Tchikito, hôtels de Nice et Bordeaux…En bifurquant à gauche, on tombe sur la rue de bouiqlate, juste à côté de la petite boutique de l’artisan des paniers d’osier. Là où habitait notre ami, Beniousse. Une rue tellement étroite que les gamins téméraires, des quartiers al-Mers et Lkalâa, prenaient comme raccourci pour aller à la plage. Mais gare à Bouiqlate ! L’homme qui ne sentait pas les enfants … Dans toute cette histoire de fous, il y avait aussi celle d’une femme, Lala Méryème. Cette dernière, parait-il avait flippé à cause d’un amour impossible, à l’époque ! Elle s’était éprise d’un militaire sénégalais. Cette femme ne craignait personne et criait son amour à toute la caserne (école Charcot) dont l’espoir de voir son amour sortir ! A l’époque Fouama, sbire des français, était la terreur des marocains révoltés ! A l’image de Lala Méryème, il y avait Mouihiya. L’homme qui ne dessaoulait jamais ! Armé de sa bouteille, il scandait, à longueur de la journée, « vive le Roi » ! Même Fouama n’y pouvait rien… Lala Méryème et Fouama étaient-ils comme les autres des fous ? That is the question.

A Cette ère, aller osons le dire, El-Jadida était un village qui comptait quelques quartiers, des bidons-villes, trois salles de cinéma, un théâtre qui fonctionnait à plein régime, une salle couverte de sports, un mini-golf, le phare, le petit port de loisir, le petit aéroport, un seul grand hôtel, un hôpital, 4 pharmacies, un lycée, quelques taxis, quelques fiacres, un seul commissariat, une municipalité, trois grande mosquées, un terrain de foot, un clos de tennis, beaucoup de verdure et aucune anarchie au niveau de l’architecture urbain. Les fous d’El-Jadida qui, à vrai dire n’étaient pas des fous, faisaient partie intégrante de toute la beauté de Mazagan-EL-Jadida.

ABDELLATIF CHERRAF

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