Agressivité pendant le Ramadan
Les disputes plus fréquentes sur la voie publique
Bousculades, cris, coups de klaxon, disputes… les journées ramadanesques sont parfois difficiles à gérer. Face à la fatigue et l’abstinence, certains deviennent vraiment agressifs. Ce phénomène typique du mois sacré se nomme «tramdina». Reportage.
Il est 16 h 30 quand une violente bagarre débute dans le quartier de l’Oasis à Casablanca. Après s’être cherchés durant quelques secondes, deux hommes âgés d’une trentaine d’années chacun en sont rapidement venus aux mains. Trop rapidement peut-être ? Des scènes comme celles-ci, où la patience semble avoir disparu, il y en a des dizaines chaque jour, partout sur la voie publique. Bien évidemment, il n’y a rien de plus banal que d’entendre des personnes se disputer dans la rue, surtout en conduisant la voiture à l’heure de pointe. Toutefois, cette agressivité arrive à son summum lors du mois sacré. Alors que le ramadan est sensé être un mois de partage avec autrui, les agressions par armes blanches, les injures et autres comportements non civiques font partie du quotidien d’un certain nombre de gens.
Le phénomène gâche l’ambiance
«J’aime l’ambiance du mois sacré», explique Adnan, un étudiant en ingénierie. Au courant de l’année, le jeune homme âgé de 23 ans qui étudie en Espagne avoue bien s’y sentir. Toutefois, quand le ramadan pointe le bout de son nez, c’est au Maroc que Adnan aime se retrouver. «Pour moi, rien ne vaut les F’tours en famille et les sorties ramadanesques avec mes amis. Le soir je revis vraiment et cela me permet de recharger mes batteries pour tenir bon toute l’année», ajoute Adnan, avant de reprendre : «Mais, j’avoue que je n’aime pas sortir la journée, car c’est comme si durant ramadan, les gens avaient deux facettes», confie l’étudiant. Ainsi pour lui, il est impensable de sortir la journée à moins que sa maman ne lui demande de faire les courses.
«Si ce n’était pas pour elle, je resterais chez moi, car je me suis trop souvent disputé avec des gens dans la rue. Certains deviennent vraiment vulgaires et je ne comprends pas comment on peut avoir un tel comportement durant le mois sacré», confie le jeune homme. «Pour moi ce n’est pas “tramdina”, c’est tout simplement de la stupidité» !
Le phénomène a un nom
Selon les psychologues, quelqu’un qui est «mramdan» signifie que l’abstinence rend l’accro irritable. De plus, il devient insupportable à gérer pour son entourage. Cet état est dû au manque de nourriture et d’eau, ainsi qu’à la fatigue et à l’abstinence en substances de type tabac. Le retour à la normale se fait simplement et progressivement après par la rupture du jeune. D’autre part, toujours d’après les spécialistes, il existe plusieurs catégories de coléreux, dont on distingue deux principales catégories :
Tout d’abord, les fumeurs, en particulier ceux qui fument plus de dix cigarettes par jour. Comme le révèlent les pneumologues, la nicotine peut jouer sur le système nerveux du fumeur. Elle peut avoir un effet nocif ou excitant selon l’état d’esprit de ce dernier et selon la quantité de nicotine absorbée. Mais pour les psychosociologues, cela n’excuse pas le comportement colérique de certains individus. Par ailleurs, il existe aussi plusieurs cas de coléreux «occasionnels» et qui ne se manifestent que pendant le mois du ramadan.
Ils utilisent la période de jeûne comme prétexte afin de déverser leur rancœur, profitant par conséquent de la tolérance de leurs interlocuteurs.
Nombreuses sont les personnes qui pensent que les colères sont les pures conséquences du jeûne, alors que les réels signaux de la faim sont des gargouillements dans l’estomac, la fatigue ou une mauvaise concentration, révèlent les spécialistes.
Le calvaire des urgences
Malheureusement, les hôpitaux sont les premiers témoins de ce phénomène. En effet, «lors du ramadan, les blessés affluent énormément au sein de nos urgences», confie Dounia, une infirmière âgée de 32 ans. Avant de reprendre : «Il est certain que j’avais déjà remarqué que des personnes changent pendant le ramadan. Mais tout est décuplé depuis que je travaille dans un hôpital, qui par ailleurs se retrouve au milieu urbain», ajoute l’infirmière.
«Chaque jour, je dois faire face à un inventaire d’insultes, toutes plus écœurantes les unes que les autres. De plus, pendant le mois sacré, nous enregistrons une nette augmentation des victimes d’agressions par armes blanches», révèle Dounia. «Parfois j’ai envie de crier, ou de tout laisser et ne plus jamais revenir à mon travail. D’ailleurs, chaque ramadan, je me demande pourquoi je ne prends pas de vacances durant ce mois. Puis il suffit que je voie le sourire de mes patients pour savoir exactement pourquoi je reste toujours là», avoue la jeune femme.
Repères
- Le mois sacré du ramadan doit normalement permettre au corps de se débarrasser de beaucoup de toxines (notamment pour les fumeurs) et de retrouver de bonnes manières parfois perdues au courant de l’année.
- Les personnes faisant éclater leur colère sans raison contredisent l’esprit du mois sacré qui préconise la tolérance et le pacifisme.
- Les spécialistes expliquent que la colère pendant le mois du ramadan est une défaillance du comportement de la personne et rien d’autre.