Etudiants étrangers en France : Après la circulaire Guéant, une loi révolutionnaire ?
Presque un an après l’abrogation de la circulaire Guéant et la rédaction d’une nouvelle circulaire plus « douce », la sénatrice PS, Dominique Gillot propose une loi quasi révolutionnaire dans le contexte actuel des droits des étrangers en France : des titres de séjour longue durée adaptés aux études.
Nouvelle avancée législative en vue sur le front des droits des étudiants étrangers en France. Hier, mardi 12 février, la sénatrice socialiste Dominique Gillot a déposé une proposition de loi pour améliorer les conditions d’études et de travail des étudiants et diplômés étrangers, rapporte l’AFP. Elle propose, notamment, d’instaurer un titre de séjour pluriannuel en fonction de la durée des études. Plus besoin dans ce cas, chaque année, pour les étudiants de faire la queue dans le froid et la nuit, devant les préfectures, pour renouveler leur titre de séjour. Premiers concernés, les Marocains représentent la première communauté étudiante étrangère de l’hexagone, en 2010-2011. Avec 30 000 étudiants, ils représentent 10,5% du total des étudiants étrangers.
1 an et 9 mois après la promulgation de la circulaire Guéant, qui avait réduit drastiquement la possibilité pour les diplômés étrangers d’obtenir le statut de salarié ; 8 mois après la publication de la nouvelle circulaire de Manuel Valls cette loi offrirait, si elle était adoptée, à ces mêmes étudiants la non-opposabilité de la situation de l’emploi. En temps normal, un étranger qui séjourne légalement en France ne peut obtenir un poste seulement si l’employeur prouve qu’aucun Français ne convient à ce poste. Il existe déjà des dérogations par métiers, Dominique Gillot propose que les diplômés étrangers de France en bénéficient également.
« Fidéliser les talents étrangers »
La sénatrice va plus loin, elle propose également d’offrir, en plus du titre de séjour d’une durée adaptée a priori à la durée des études, un autre titre de séjour d’une durée de trois ans, aux diplômés étrangers de l’éducation française « pour [leur] permettre une expérience professionnelle en rapport avec [leur] diplôme », explique Dominique Gillot dans son communiqué. Parmi ces étudiants, ceux qui ont obtenu un doctorat, se verraient même octroyer un titre de séjour sans limite de temps, afin de « fidéliser les talents étrangers ». Une dernière mesure qui rappelle la « carte compétence et talents » créée par Nicolas Sarkozy, en 2006, et oubliée depuis.
Très généreuse, cette proposition de loi, comble les attentes des membres du Collectif du 31 mai, créé en réaction à la circulaire Guéant, pour défendre les droits au séjour et au travail des étudiantes et diplômés étrangers en France. « Pour nous, l’essentiel est dans cette proposition de loi », affirme Fatma Chouaieb, porte parole du Collectif. « Elle offre une garantie de stabilité réelle pour les étudiants et diplômés. Son avancée majeure se situe dans la non-opposabilité de la situation de l’emploi, car avec la circulaire Guéant, mais même avant et après celle-ci, la situation de l’emploi a toujours été opposée aux étudiants et diplômés étrangers », souligne Fatma Chouaieb.
La semi-clandestinité
Pour le Collectif du 31 mai, restent des « dispositions qui trouveraient sans doute plus leur place dans une décret d’application », indique Fatma Chouaieb. Aujourd’hui, souligne la jeune femme, les délais de traitement des dossiers, en préfecture, s’étalent aisément sur 4 à 5 mois. Pendant cette période, les diplômés qui demandent à quitter le statut d’étudiant et à obtenir un titre de séjour de salarié sont dans une situation de « semi-clandestinité, indique la porte parole. Ils ne sont pas expulsables puisqu’une procédure est ouverte en préfecture, mais ils ne peuvent pas travailler, ni voyager… Les délais de traitement des dossiers devraient être ramenés à un délai plus raisonnable de 2 mois. »
Elle salue également le passage à une véritable loi. « Cela nous permettrait de sortir de l’aire des circulaires pour sortir de l’ère de l’instabilité », reconnait-elle. Pourtant, si cette proposition n’est pas directement et publiquement soutenue par le gouvernement, en dépit du fait qu’elle émane de la majorité présidentielle, a peu de chance d’être adoptée. Sous la Ve République, les propositions de lois – les lois proposées par des élus du Sénat ou de l’Assemblée – ne représentent que 15% par rapports aux projets de lois, proposés, eux, par le gouvernement. A l’heure où sont écrites ces lignes aucun membre du gouvernement n’a réagi à cette proposition. Le silence l’enterrera-t-elle ?
Yabiladi.com