AUTOROUTE EL JADIDA-SAFI – Oualidia, le turnix et l’épreuve environnementale – A. Chahid
L’éternel dilemme entre les impératifs du développement et ceux de la protection de l’environnement, a tendance à ressembler beaucoup plus à ces vieilles histoires d’amour impossible qui finissaient toujours par s’abimer dans les gouffres du drame. Aujourd’hui, plus rien ne peut effacer en nous cette métaphore, tant les exigences dictées par la nouvelle ère d’un modernisme fortement teinté d’égoïsme nous ramènent irrévocablement à la même scène du crime, là où la victime désignée ne peut être que la nature dans toutes ses dimensions.
On comprend bien que la puissance des enjeux est souvent redoutables et que les équilibres de force entre les deux protagonistes sont très difficiles à concilier et encore moins à réguler. Un constat qui réduit à néant le champ de manœuvre des rares nostalgiques qui ne disposent plus que du statut des derniers « Don Quichottes », ayant échangé leurs épées par la plume et la parole pour résister à l’une des plus cyniques supercheries de l’histoire de l’Humanité dont on se plait encore et toujours d’appeler « protection de l’environnement».
Certes, le mal s’est universalisé depuis longtemps et la tendance n’est plus à un retour au beau fixe. Les catastrophes écologiques ne font plus tiquer. Ils font partie de ce quotidien que nous assumons et imposent leurs propres lois même dans les contrées les plus sensibles du globe.
Le duel est disproportionné. Il est à l’image de ce cas anodin que nous avons pu relever au niveau de la commune de Oualidia, dans la Province de Sidi Bennour : Le destin d’un petit oiseau, connu sous le nom de Turnix d’Andalousi et qui est en danger de disparition, peut-il être en mesure de dévier le tracé d’une autoroute qui frappe de plein fouet son ultime aire de retranchement ?
La réponse à une telle interrogation ne relèvera pas des secrets de Dieu, on peut seulement l’imaginer sous la forme d’un sourire d’ironie, puisque les travaux du tronçon autoroutier en question, reliant El Jadida à Safi, est déjà entré dans sa phase de réalisation, malgré les « mises en garde » soulevées par l’étude environnementale qui accompagne ce projet.
Au fait, qui connait le Turnix d’Andalousi et qui a déjà entendu parler de ce petit oiseau discret dont la présence ne se révèle que par les chants émis par sa femelle ? Combien sont ces ornithologues qui ont suivi l’évolution de cette espèce dont l’ultime retranchement se situe au niveau de la zone de Oualidia ? Quelle est cette âme sensible qui s’inquiètera un jour des dangers d’extinction qui menacent cette espèce protégée ?
Pourtant, si l’on se réfère aux données véhiculées par cette étude environnementale, qui s’est basée sur des données scientifiques, on ne peut passer outre les responsabilités qui incombent aux services concernés et qui exigent une attention toute particulière de leur part.
Ainsi peut-on lire selon l’étude en question que :
Le turnix figure dans la liste des 21 espèces nicheuses les plus menacées au Maroc (Thévenot et Al 2003).
Dans le cadre du plan directeur des aires protégées, le turnix figure parmi les espèces d’importance nationale les plus menacées.
Le statut UICN en Europe le qualifie « espèce au bord d’extinction », soit le statut le plus critique d’une espèce avant son extinction totale.
L’espèce figure en annexe 2 de la convention de Berne, annexe avec le maximum de protection pour la faune.
L’espèce figure aussi en annexe 1 de la directive 2009/147/EC de la communauté Européenne, dites, « Directive oiseaux », qui vise la protection des espèces d’oiseaux menacées en Europe, ainsi que la protection de leur biotope.
Selon la même source, il s’avère que la sous espèce du turnix appelée Sylvaticus du bassin méditerranéen occidental a très fortement régressé et n’est certaine que dans la région de Oualidia. Elle est considérée comme étant un des taxons d’oiseaux les plus menacés et les plus rares dans le monde entier, et de ce fait, le Maroc, a une responsabilité dans sa conservation de manière analogue à celle de l’Ibis chauve.
D’après les informations qui concernent cet oiseau, il est plus petit qu’une caille et sédentaire. Il est très discret et ne révèle sa présence que par les chants émis par les femelles, ses traces ou ses excréments (Guitièrez Exposito et Qninba – 2010). Il a tendance à se cacher dans la végétation à l’approche d’un observateur. Il vole peu lorsque le besoin s’en ressent et tend à raser la végétation du milieu où il se trouve, pour se reposer assez vite.
Son aire de retranchement durant la saison hivernale se situe dans les milieux avec végétation de buissons sur sol sableux reposant sur croûte de calcarénite, au Sud-Est de Oualidia jusqu’à une quinzaine de kilomètres de la côte au maximum. En fin de printemps il retourne à la zone littorale entre Sidi Abed et Oualidia, là où sa reproduction s’effectue dans les cultures.