La culture
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La culture, dit-on, «c’est ce qui reste une fois qu’on a tout oublié» ! Les pouvoirs publics et les différents gouvernements successifs interprètent cette définition, ou plutôt boutade, à leur manière dès qu’il s’agit de répartir le budget général par départements. Tout se passe comme si le budget affecté au ministère de tutelle «est ce qui reste une fois que tous les autres départements auront été servis».
Ainsi, le budget alloué à la culture est franchement dérisoire, voire ridicule. Il est fixé au niveau le plus bas qui soit, à peine 571 millions DH en 2013, soit 0,002% du budget général de l’Etat !! Je vous avoue que j’ai eu du mal à faire le pourcentage. C’est une honte pour un pays qui dispose pourtant d’atouts culturels considérables, de potentialités incommensurables et d’une histoire et civilisation millénaires qui faisaient (et font encore) la fierté de notre pays, le seul de la région à faire rempart à la domination ottomane, faut-il le rappeler. Et ce n’est pas un hasard. Car la Nation marocaine puise ses forces et sa pérennité dans sa diversité culturelle et ses valeurs de tolérance et d’ouverture.
Avec un budget aussi maigre et un sous-investissement manifeste dans le culturel, notre pays est condamné à la misère culturelle, voire la misère tout court. Pour atteindre le niveau minimum requis, à savoir 1 % du budget global – sachant que les pays développés y consacrent entre 3 et 5 % de leurs ressources budgétaires – il faudrait multiplier le budget actuel du ministère par 4,5 fois !! Une gageure ? Absolument pas. Il faut simplement se rendre à l’évidence : l’investissement dans la culture n’est pas un luxe, il n’est pas non plus un investissement improductif. Au contraire, la culture est un facteur de développement comme cela a été démontré par plusieurs travaux de recherche et prouvé par de multiples expériences de par le monde. Investir dans l’innovation et la créativité, dans la sauvegarde de notre patrimoine architectural et nos médians qui menacent ruine, dans les arts populaires en voie de déperdition…c’est investir à vrai dire dans le futur de notre pays et dans l’amélioration de sa compétitivité et de sa position sur l’échiquier international. Prenons un seul exemple, celui du tourisme. Ceux qui continuent encore de compter sur le «soleil» pour que le Maroc devienne attractif et drainer des touristes en millions sont en retard de plusieurs guerres ! Aucun être sensé au monde ne viendrait chez nous juste pour «bronzer idiot». Les gens viennent surtout à la rencontre d’une culture et à la découverte d’une civilisation. Et si notre pauvre plan AZUR fait du surplace, c’est parce qu’il n’a pas intégré cette dimension culturelle de taille, à savoir le «tourisme culturel». Que l’on songe à l’expérience des grandes villes, à l’instar de Paris ou Rome, qui réalisent des miracles en la matière !! Ces deux capitales drainent chacune plus de 15 millions de touristes par an. Par ailleurs, la culture doit occuper une place légitime dans toutes les politiques publiques, notamment les politiques liées à l’éducation, l’économie, la science, la communication, l’environnement, la cohésion sociale et la coopération internationale. La culture que nous préconisons est celle de la libération : libération des esprits et des corps ! Ce qui s’oppose à toute forme de déviation culturelle : soit en prônant un retour en arrière, un retour aux «sources» en se contentant de regarder dans le rétroviseur ; soit a contrario en niant tout l’héritage culturel de notre peuple bâti au fil des siècles. «Nos civilisations doivent muer, se rajeunir ou bien elles sont condamnées à périr définitivement», écrivait avec beaucoup de pertinence et de talent notre Regretté Professeur Aziz Belal (in « Développement et facteurs non-économiques). Il ne faut donc pas faire du passé table rase, ni se contenter d’un retour à ce passé, aussi glorieux fût-il, en le mythifiant. C’est un processus historique continu qui se transforme et s’enrichit en permanence par l’intelligence collective de notre peuple et un investissement massif dans la création sous toutes ses formes. C’est un challenge que notre pays doit absolument gagner s’il veut garder sa place dans le concert des nations et participer activement au dialogue interculturel dont il est du reste un fervent défenseur. La culture, comme valeur marchande, s’internationalise et s’universalise de plus en plus. Seules les nations productrices de «marchandises culturelles» peuvent tirer leur épingle du jeu. Celles qui optent pour une position de repli et de frilosité en produisant dans le meilleur des cas une «culture au rabais» seront «condamnées à périr définitivement» pour reprendre les termes du Professeur Belal. Faisons en sorte et agissons ensemble pour faire triompher dans notre pays sinon une «révolution culturelle», du moins une véritable «renaissance culturelle». Nous en avons les moyens, tant humains que matériels. Il faut simplement en faire un bon usage. Par la concertation et le dialogue avec les hommes de culture d’abord. • Membre du Bureau Politique du PPS et Professeur à la FSJES Rabat Agdal.
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