Droit de vote des étrangers en France : « La société n’est plus prête » (by: Yabiladi.com )
Fatima Orsatelli est conseillère régionale PACA, apparentée socialiste. Née à Tifelt, près de Rabat, au Maroc, il y a 47 ans, elle est arrivée dans le sud de la France, à Caderousse, à 7 ans. Investie dans le secteur associatif de l’ « insertion », plutôt que de l’ « intégration », elle quitte la ville d’Orange lorsque celle-ci bascule à l’extrême droite. Membre active de Méda-Démocratie qui réalise notamment des projets de développement au Maroc, militante des droits des femmes dans son pays de naissance, Fatima Orsatelli est également, à Marseille, membre du Conseil régional du culte musulman et trésorière de l’association La Mosquée de Marseille. En 2010, elle devient conseillère régionale à l’invitation de Michel Vauzelle président socialiste du Conseil régional de Provence Alpes Côte d’Azur.
Yabiladi : Vous avez publié, le 24 septembre, une tribune sur Libération, où vous fustigez l’instrumentalisation du débat sur le droit de vote des étrangers aux élections locales. Comment pouvez-vous être à la fois pour et contre le droit de vote des étrangers ?
Fatima Orsatelli : Je suis partisane du droit de vote des étrangers, mais j’estime que ce serait un parjure de porter une loi quand on n’a pas les moyens juridiques de la mettre en place ; parjure de continuer à dire que c’est possible quand ça ne l’est plus. La société n’est pas prête. Elle l’était il y a deux ou trois ans –même Nicolas Sarkozy était pour le droit de vote des étrangers !- mais aujourd’hui avec la cristallisation du débat sur les étrangers, le discours du FN est légitimé. Porter cette loi, ce serait jeter de l’huile sur le feu. Il faut être lucide et exposer les choses telles qu’elles sont, comme l’a fait François Hollande, bien qu’un peu tardivement. Aujourd’hui, quel sens a le droit de vote aux étrangers quand les jeunes issus de l’immigration ne votent plus ? Qu’est-ce d’autre sinon le fait d’ouvrir les vannes à un nouvel électorat, à des gens qui vont voter à gauche ? Il y a pour moi des questions qui nous incombent avant celle du droit de vote.
Quelles sont ces questions plus urgentes qui incombent à la classe politique ?
Il y a aujourd’hui un véritable désaveu du politique et c’est là-dessus qu’il faut travailler. Quand on voit que sont les 150 000 adhérents de l’UMP qui décident qui sera le prochain président. Quand on voit, de la même façon, comment a été désigné le secrétaire général du PS, Harlem Désir. Après l’expérience des primaires socialistes, il y a une véritable régression. Le système politique doit être interrogé, avant de passer à l’ouverture de nouveaux droits. Pour les étrangers, il y a des réformes essentielles. Les conditions d’accès à la naturalisation ont été durcies ces dernières années. Les conditions de vie des chibanis, ainsi que les retraites des « indigènes », les soldats des colonies qui ont combattu pour l’armée française, sont autant d’objets essentiels de réformes.
Le débat autour du droit de vote des étrangers en France rappelle que les Marocains résidant à l’étranger ont vu leur droit de vote aux élections marocaines inscrit dans la nouvelle constitution marocaine. Doit-il être effectif dans les pays d’accueil par le biais des consulats ?
A partir du moment où les Franco-marocains se voient reconnaitre une double appartenance constitutionnelle, ils doivent pouvoir en jouir pleinement. Aujourd’hui, la plus forte communauté marocaine se trouve dans le sud de la France, j’avais proposé de créer un centre culturel marocain à Marseille, mais les financements, décidés par le ministère des MRE, sont allés ailleurs … Il faut que la communauté marocaine se structure pour sortir de la politique de kermesse qui la caractérise souvent et former un lobby.
Envisagez vous, à titre personnel, de pouvoir, un jour, être élue à la fois au Maroc et en France ?
Non, personnellement, avoir un double mandat ce serait aller un peu loin. La société est prête à accepter cette double liaison, au fait que l’on participe au vote et au développement politique des deux pays ; c’est normal car la migration a participé énormément en développement local au Maroc. Ceci dit, de part et d’autre, on n’est pas prêt à ce qu’une même personne ait un mandat en France et au Maroc. Il existe déjà des passerelles, on n’a pas besoin de celle-là.