Ecole marocaine ou école au Maroc? (par:Aziz Daouda)
Voila quelques jours un ami sur facebook: Abdelrhni Jebli, me demande si j’étais bien aziz Daouda qui avait dans les années 50, fréquenté l’école normale des instituteurs de Rabat. Dites Al Iqlimia, cette école était un établissement pilote on l’on scolarisait des enfants considérés être plus aptes que d’autres et servait » d’incubateur » aux instituteurs en formation.
Inutile de vous dire que les enseignants aussi étaient bien choisis pour leur compétence à pouvoir encadrer et former d’autres enseignants.
Il y avait encore des français à Al Iqlimia: le directeur Monsieur Damoiseau, Mme et Mr Denis, un rugbyman genre Eddy Mitchel.
Il y avait bien évidement des enseignants marocains: Mr Bennani entre autre était la star de l’école. Un homme d’une prestance, d’une compétence et d’une classe à toute épreuve.
Mon ami, Abdelrhni Jebli m’a proposé de m’envoyer une photo de classe de l’époque pour confirmer si c’était bien moi.
Oui c’est bien ma classe avec Mr Bennani.
Ma première année dans cette école.
Cours préparatoire. On ne peut être plus jeune à l’école. A l’époque on y allait à partir de 7 ans. Moi j’en avais 6 seulement. On avait fait une exception car j’avais, grâce à ma maman, l’une des premières marocaines à avoir été scolarisées, rejoint l’école dès l’age de 5 ans et avait déjà donc eu deux années de scolarité à l’école des habous. Un édifice historique inauguré par feu Mohammed V accompagné de Moulay El Hassan alors enfant. Aujourd’hui cette école ne tient que par l’effort de l’association du quartier animée par Si Mohamed Essaleh. Elle est située à Diour Jamaa à Rabat.
En classe préparatoire à Al Iqlimia, on était 52 et on travaillait très bien. Aujourd’hui on crie au scandale dès que le nombre d’élèves dépasse 30 ou 35 élèves.
Les temps ont changé. Le maître, puisque c’est ainsi qu’on l’appelait portait une cravate et était l’adoré de tous. Si on retient son nom plus d’un demi siècle après c’est qu’il nous a marqué de manière positive. Nul besoin de crier ou de punir. Un simple regard de Si Bennani suffisait à mettre ou remettre de l’ordre.
L’école était accueillante, propre, pleine d’arbre et de fleurs et surtout ordonnée. Les élèves étaient en majorité pauvres mais avides de savoir.
Nous étions les enfants de l’indépendance et on le vivait avec fierté. Vite on nous a faisait comprendre que l’avenir du Maroc reposait sur nos efforts à apprendre. Le savoir scolaire était ressenti comme l’ouverture vers la modernité et la prospérité de chacun et du pays. A la maison on parlait le même langage.
Qu’on est il resté de cette école aujourd’hui?
« Réforme » après « Réforme », bêtise après bêtise, décisions inadaptées après décisions inadaptées et incohérentes, les catastrophes se sont accumulées, les budgets n’ont plus suffit et l’hypocrisie aidant, notre école est aujourd’hui au banc des accusés.
L’école marocaine a failli.
Alors qu’enfant je refusais de fréquenter l’école français encore omniprésente au Maroc, dans mon quartier il y avait l’école des orangers, voilà que les parents actuels se tuent à mettre leurs enfants dans ces écoles vestiges d’un temps révolu. Qui l’école française, qui l’école espagnole, qui l’école américaine, pour les plus nantis.
Nous sommes indépendants pour plus d’un demi siècle sans avoir réussi à offrir aux marocains une école qui leur ressemble, une école capable de former des élites en quantité, une école de modernité de continuité et de progrès. Une école dont ils peuvent être fiers et dans laquelle ils se reconnaissent pleinement. Une école où ils puissent s’accomplir.
Aujourd’hui seul 10% des élèves marocains tiennent le coup jusqu’au baccalauréat contre 70 à 80% ailleurs. Nous sommes les derniers élèves de la classe…
L’école marocaine est coupée de sa réalité et ne fait que dans le virtuel. L’enfant à l’école est coupé de sa société et de sa langue maternelle. Il vit une discontinuité que ne vit aucun autre enfant au monde. Le même jour en quelques minutes, à chaque changement d’espace, il est un autre, il est l’autre.
Alors que l’américain, le français, l’égyptien, le hollandais, le hongrois et j’en passe, vivent et apprennent dans leurs langues maternelles, l’enfant de chez nous pratique trois langues: celle de sa mère à la maison, celle des copains dans la rue et celle de l’école. Celle de l’école n’existe que dans les livres. Elle n’est parlée nul part au monde. Elle est celle qui le coupe du monde au lieu de l’y intégrer.
Plus tard c’est en français ou en anglais qu’il doit étudier s’il veut compter dans sa propre société.Les parents ont sans doute raison de se saigner pour mettre leurs enfants dans de vraies écoles.
Des milliers de jeunes quittent alors le pays pour étudier ailleurs. Des milliers de déchirements familiaux sont vécus chaque année, des milliards de dirhams sont chaque année dilapidés, car beaucoup, les meilleurs ne reviennent plus.
Le gâchis est manifeste.
Alors que l’école, la famille et la rue doivent fonctionner en harmonie au profit de l’enfant, plus tard citoyen, on continue ici à faire dans une discontinuité préjudiciable à l’impact grave sur l’avenir de tout un pays, l’avenir de toute une nation..
Allah y rad bina.
Je ne sais plus s’il faut parler d’école marocaine ou d’école au Maroc?
Sa Majesté vient encore une fois de lancer un appel à la refonte de l’enseignement et de l’éducation dans le pays, espérons que l’on y procédera avec intelligence, loin des clichés et des tabous.
La faillite est manifeste