«Le développement des villes nouvelles doit être confié au Département du Premier ministre»
Interview de Mehdi Benzine, directeur général de Akwa Immo développement
Le secteur de l’habitat se porte bien. Cependant, des réajustements restent à faire au niveau du logement social, du locatif, de l’habitat à 140 000 DH, de l’offre dédiée à la classe moyenne… Tour d’horizon avec Mehdi Benzine, DG d’Akwa Immo Développement.
LE MATIN : Comment se porte le secteur actuellement ?
MEHDI BENZINE : On ne peut pas donner une idée globale sur tout le secteur. A mon avis, le secteur peut se porter bien dans une région et peut être confronté à beaucoup de difficultés dans une autre région.
Pour l’habitat social et économique, le secteur globalement se porte plutôt bien, sauf au niveau des villes satellitaires, à savoir Tamansourt et Tamesna où il y a un stock important d’invendus de logements sociaux. Ceci s’explique par le fait que lorsque la politique des nouvelles villes a été élaborée, on n’a considéré que la composante habitat et on a créé des villes dortoirs alors que les habitants ont besoin d’infrastructures, de la sécurité, des moyens de transport… Pour le moment, c’est un chantier difficile à réaliser vu qu’il a été confié uniquement au ministère de l’Habitat alors que cela concerne d’autres ministères : Santé, Equipement, Education… Pour moi, le développement de villes nouvelles doit être confié au Département du Premier ministre.
Et pour l’habitat intermédiaire ?
Pour l’intermédiaire, la classe moyenne n’arrive pas à trouver sur le marché des logements dont le prix se situe entre 700 000 et 1 million de DH. C’est une problématique de coût de production.
Cette tranche de la population habite généralement les milieux urbains, particulièrement à Casablanca, Rabat, Agadir, Tanger, Meknès, etc. Or le foncier est très rare dans ces villes, il va falloir que l’État mobilise du foncier accessible pour qu’on puisse produire des logements qui sont en adéquation avec la demande et les attentes exprimées.
Aujourd’hui, il y a dans certaines villes des appartements moyen standing qui ne trouvent pas preneur, car ils sont trop chers avec des prix qui peuvent atteindre jusqu’à 1,5 million de DH voire même 2 millions de DH. A mon avis, les Hautes instances et le ministère de l’Habitat sont sensibilisés sur cette problématique. D’ailleurs, c’est pour cette raison que dans la loi de Finances 2013, il y aurait un produit dédié à la classe moyenne. La FNPI travaille en collaboration avec le ministère de l’Habitat, dans ce sens. Ce serait un coup de main, d’abord pour la population cible leur permettant de trouver sur le marché une offre de logement accessible et ensuite pour les promoteurs immobiliers pour les inciter à investir dans ce segment. Avec un foncier accessible et un concept pas cher, c’est jouable. Et pour cause, il y a des moyens d’optimiser la production en utilisant les matériaux locaux, en introduisant des techniques de construction rentables et en allant même jusqu’à industrialiser cette activité pour aller chercher des économies d’échelle.
La preuve c’est que dans les logements sociaux et économiques, ça marche. Il y a une réflexion à mener dans ce sens-là pour construire bien et en sécurité à des prix raisonnables : économique et chic à la fois.
Comment se porte le segment du luxe ?
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le luxe, à part Marrakech, se porte bien. Aujourd’hui, les projets qui ont foisonné, ces dernières années, à Casablanca et Rabat témoignent de la présence de demande sur ce type d’habitat qui trouve preneur facilement. Les Marocains ont démontré leur savoir-faire et leur goût.
Actuellement, il y a des logements dont la qualité et le luxe peuvent être comparables à ceux de l’Europe ou ailleurs. C’est dire que le luxe porte bien son nom au Maroc, car les acquéreurs sont exigeants et les promoteurs n’ont pas d’autre choix que de répondre aux attentes de ces derniers.
Quelles sont les villes qui attirent le plus ce type d’investissement ?
Il y a Casablanca et même Rabat et Agadir. Il ne faut pas sous-estimer des villes comme Béni-Mellal et Meknès. Aujourd’hui, avec l’ouverture de l’autoroute, Béni Mellal est mieux desservie. Il ne faut pas oublier également que la population de cette région a les moyens pour acquérir des logements de luxe.
Est-ce que le locatif social peut intéresser les promoteurs immobiliers ?
Je ne pense pas que cela va intéresser les promoteurs, sans une garantie d’accompagnement, soit par des institutionnels ou par des accords avec l’État. Aujourd’hui, même si les lois existent, dans ce secteur, c’est très difficile de les appliquer. Un promoteur n’ira pas s’aventurer sans une garantie pour l’investissement. Actuellement, il y a un projet de loi sur le locatif en préparation qu’il va falloir sortir, mais avant, il faut solliciter l’avis des promoteurs immobiliers et prendre en compte les inquiétudes et incertitudes des uns et des autres. Aujourd’hui, le plus gros opérateur dans le locatif c’est l’État, mais les professionnels peuvent suivre si les investissements sont garantis par l’État.
Maintenant que la loi de Finances a introduit de nouvelles mesures pour le logement à 140 000 DH, qu’est-ce qui bloque encore ce programme ?
Nous avons aujourd’hui des logements à 140 000 DH qui ne trouvent pas preneur, car nous ne pouvons pas les commercialiser directement. Cette opération est réalisée sur du foncier propre au groupe. Nous sommes obligés d’attendre que le ministère de l’Habitat nous donne la liste des bénéficiaires. Actuellement, nous avons près de 400 habitations qui doivent être livrées fin 2012 et nous comptons en réaliser près de 600 durant les 2 prochaines années. Pour le moment, nous ne pouvons pas en produire davantage si nous n’avons aucune visibilité sur la demande.Il faut donner la main aux promoteurs immobiliers pour la commercialisation, vu le stock d’invendus ou encore il faut simplifier le système de commercialisation. à défaut, pour favoriser davantage l’investissement, il faut qu’il y ait un organisme de l’État qui achète les logements finis auprès des promoteurs privés et qui les revend aux bénéficiaires.
Comment Akwa Immo développement compte-t-elle se développer ?
Akwa Immo développement a l’intention de se développer dans tous les segments de l’immobilier. Nous adoptons une stratégie de filialisation. A cours et à moyen terme, nous ne voulons pas nous disperser géographiquement. Nous restons avec une direction centre Casablanca et région, nous nous développons à Marrakech, vu que le marché va se stabiliser et s’ajuster et dans la région d’Agadir. Vu que le secteur est très capitalistique, et faisant partie d’un groupe connu dans le secteur de l’énergie, Akwa Immo développement compte y aller doucement, le temps de rentabiliser les investissements au niveau de la direction centre et de Marrakech.
Comment tirer profit de l’expertise du groupe en matière d’énergie ?
Il y a des choses à l’étude. Le but est de capitaliser sur l’expérience d’Afriquia Gaz pour offrir des villas groupées équipées avec des moyens en commun pour le gaz. Déjà, Afriquia Gaz a réalisé beaucoup de projets : des hôtels, Morocco Mall, des projets immobiliers de luxe développés par d’autres groupes immobiliers… En terme de qualité, c’est la source d’énergie la plus propre.
– Propos recueillis par Nadia Dref, LE MATIN