Entretien avec l’ humoriste Redouane Harjane
● Jeune artiste à l’humour corrosif, Redouane Harjane se distingue par son style absurde et son rire non homologué. Identifiable grâce à son dress-code (costume, gilet et chapeau de travers), le talent de Redouane ne trompe pas.
● Le public de Marrakech aura l’occasion de (re)découvrir ce fou de la scène lors du Festival Marrakech du rire qui aura lieu du 6 au 10 juin. Une invitation ouverte à l’univers de Harjane.
Le Matin : Un mot sur votre participation au Festival Marrakech du rire ?
Redouane Harjane : J’ai la chance de pouvoir jouer mon spectacle en intégralité au Maroc. Je suis donc super content de proposer mon univers pendant une heure au public marocain. J’espère qu’il n’y aura pas que des Français. Je pense à cet événement depuis un bon moment.
Est-ce que vous avez des appréhensions par rapport à ce spectacle ?
Pas du tout. Je n’ai pas le droit d’avoir peur. Pour la simple et unique raison que c’est moi qui viens chez vous. Par ailleurs, je m’interdis de réécrire des choses et de changer quoi que ce soit. Je veux défendre le même spectacle de la même manière qu’à Paris. Les Marocains ont le même degré d’intelligence.
Le public a probablement déjà vu votre spectacle que ce soit à la télé ou sur Internet. Est-ce qu’il y aura une part d’improvisation ?
J’espère qu’il y aura des improvisations. Je vais faire avec la sensibilité de la salle. Je vais essayer de dialoguer avec le public marocain. Ce sera l’occasion de faire connaissance. Peut-être qu’on prolongera le spectacle à l’infini. L’idée c’est de dialoguer avant tout. Je compte, donc, sur l’énergie marocaine parce que je sais que je serai face à un public réactif et très interactif.
Quelle est la couleur de votre humour ? Je sais qu’elle est noire… mais je vous laisse fixer la couleur vous-même ?
(Rire) Mauve et fuchsia… Il est vrai que je dis des choses dures, un peu trash, mais ma volonté n’est pas de déstabiliser pour le plaisir de déstabiliser. Je préfère le terme «absurde» pour qualifier mon humour. C’est un rire qui n’est pas homologué et qui n’est pas spontané non plus. Et c’est justement pour cela qu’il est intéressant. On n’infantilise pas le public. Je pense qu’il est assez intelligent pour décider de vouloir rigoler ou pas. C’est beau ce temps de réflexion avant le rire. Cela veut dire qu’on se cherche. Et quand on comprend, on rit.
Ne craignez-vous pas, tout de même, que vos vannes ne soient pas comprises par tout le monde ?
Bien sur que si d’autant plus que j’ai mon univers propre. Tout le monde ne plaît pas, forcément, à tout le monde. Mais ce n’est pas grave. L’idée, c’est de s’amuser avant tout et de jouer et puis ceux qui veulent faire partie de l’aventure sont les bienvenus. Après c’est à moi aussi de faire le travail de me remettre en question. Il ne faut pas être populaire juste pour plaire à tout le monde. C’est ma nature. J’ai l’impression d’être comme ça dans la vie. Je ne suis pas le mec qui veut à tout prix avoir des amis. D’ailleurs, je n’en ai pas beaucoup…
Est-ce que le personnage que vous vous êtes créé vous ressemble ?
J’espère que ceci n’est pas valable pour tous mes personnages (Rire). Certains font des choses un peu dures quand même. En revanche, mon personnage me ressemble en ce qui concerne le dress-code. Je suis un homme à chapeaux. J’aime bien m’habiller, j’apprécie les beaux vêtements et les hommes de classe. Déjà, dans la vie, j’espère être comme ça sans prétention aucune. Quant à mon état d’esprit, je suis quelqu’un de moins fou. Je m’entoure beaucoup de ma famille alors que mes personnages sont des espèces de solitaires. J’adore voyager et ma famille et mes amis m’aident à me construire. Je suis quelqu’un de très posé en fait.
Comment travaillez-vous vos textes ?
Je teste beaucoup mes textes sur mes amis. Dans mon appartement, j’ai mon piano et ma guitare. Je travaille la nuit et me remets, en permanence, en question, je remémore ce que j’ai vécu dans la journée. J’ai toujours un calepin où je couche toutes mes observations. Ce qui m’intéresse le plus ce sont ces choses qu’on fait depuis des années et qui sont devenues banales sans qu’on s’en rende compte. C’est sur ces détails là que je m’acharne.
C‘est un peu le travail d’un caricaturiste ?
Ce n’est pas la même démarche. Je suis même à l’opposé de ça. Moi je vais chercher à exposer ce qu’on ne voit pas ou ce qu’on ne voit plus. Et je vais le grossir comme le ferait un caricaturiste.
Quelle est la place de la musique dans vos spectacles ?
Elle est essentielle. Pendant longtemps, elle m’a aidé à me cacher parce que je n’assumais pas toujours mes vannes et mon niveau. Avec le temps, je me suis rendu compte que je ne pouvais plus m’en passer. C’est, quelque part, un des personnages du spectacle, la guitare également. Elle m’accompagne. Elle est même un élément d’improvisation.
Est-ce que vous n’envisagez pas de faire du cinéma ?
Ce n’est pas vraiment quelque chose qui m’anime. J’aime le cinéma, j’adore regarder des films, J’aime à penser des histoires… Là on commence à me proposer des petites choses. Je tourne cet été dans le nouveau film de Michel Gondry, avec Gad El Maleh, Omar, Audrey Tautou…
Quel regard jetez-vous sur ce qui se fait maintenant en matière d’humour ?
Je ne jette rien. Je prends tout (Rire).
Vos projets ?
Comme je vous l’ai déjà dit, je suis en train de tourner dans le film de Michel Gondry. J’écris également un long métrage.
Dans la tête de Redouane Harjane
À la question «Que se passe-t-il dans la tête de Redouane Harjane ?» Ce dernier répond : «Il n’y a que des lits dans sa tête. (Rire)… Non sérieux, il y a la peur et l’appréhension de venir jouer au Maroc. J’espère que je ne vais pas décevoir le public marocain. En tout cas, je suis très honoré et très fier de me produire au Maroc. C’est la troisième fois que je viens jouer dans ce pays. L’année dernière, j’ai participé au Festival MDR. C’était magique, à part un bébé qui n’arrêtait pas de crier et les trottoirs qui sont trop hauts (Rire). Il faut des échafaudages pour monter… Je connais le public marocain sur des passages de 10 min ou d’un quart d’heure. Et là ça va être sur une heure. J’ai hâte de le rencontrer».
Publié le : 31 Mai 2012 – Propos recueillis par Kenza Alaoui, LE MATIN